(Portrait du roi Henri IV qui régna de 1589 à 1610)
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Comme convenu, voici la recension du premier texte du livre Les Origines de Montréal* intitulé Réforme catholique et altérité: arrière-plan socio-religieux de la fondation de Montréal de l’historienne Dominique Deslandres**.
Appuyée sur une bibliographie solide où l’on y retrouve entre autre l’historien des mentalités et du Moyen-Âge, Jean Delumeau ainsi que George Duby, lui aussi historien médiéviste, Dominique Deslandres nous brosse un tableau voire un état des lieux de la France de la fin du XVIème et de la première moitié du XVIIème siècle.
Comme le titre l’indique, elle nous offre l’arrière-plan socio-religieux à savoir la toile de fond sur laquelle s’est développée le projet missionnaire des Montréalistes comme on les appelait parfois à l’époque.
Mais d’entrée de jeu, elle nous décrit d’abord l’état dans lequel se trouve le Royaume de France ainsi que l’Église de France. Avec l’arrivée du roi Henri IV (1589-1610), c’est le début d’une relative paix sociale qui succède à quelques décennies de guerre civile avec son lot de violence, de destructions matérielles et de déliquescence sociale.
À partir de 1604, Henri IV avec le soutien des évêques de France verra à « normaliser » l’ordre des choses autant dans la vie civile que dans la vie religieuse. Dans la foulée du renouveau pastoral insufflé par les décrets du Concile de Trente (1645-1665), l’Église de France n’ayant pas attendu la réception complète de ceux-ci est engagée dans un processus de réforme intérieure et de réforme institutionnelle qui conjuguées ensemble favorisera une remontée en puissance du catholicisme français.
La France d’alors est dans un processus de mutation au plan économique et social. Bien que 85% des 18 à 20 millions de français soient liés à la terre, le moins de 1/10ème que représente les citadins-urbains impulse une dynamique économique et c’est sur ce phénomène urbain que prendra appui la monarchie et l’Église de France.
Le propos de l’auteure nous montre comment une élite socio-religieuse nourrie d’un idéal de chrétienté se veut en phase non seulement avec les décrets tridentins mais aussi avec le nouvel ordre économique et social qui pointe à l’horizon.
C’est en quelque sorte un projet encadreur et encadrant que vise les autorités ecclésiales afin de donner naissance à un nouveau moule de chrétien qui à terme donnera un Français moderne, catholique et tridentin. Mais pour ce faire, le premier grand obstacle à surmonter est l’ignorance religieuse.
Plus de cent ans après avoir découvert un nouveau continent, après quelques décennies où des missions catholiques se sont déployées ça et là sur différents continents pour la conversion de sociétés inconnues, l’Église de France constate que la majorité de son peuple chrétien est en quelque sorte sous-christianisé.
Dominique Deslandres fait bien ressortir que nous sommes ici dans un processus de réforme par le haut c’est-à-dire par une élite cultivée, dévote et en mesure de financer des projets de missions d’évangélisation autant à l’intérieur du pays qu’en dehors. Foncièrement, ce grand effort de rénovation et de réformation « visait à populariser le modèle chrétien et moral des élites » (p.29).
Et c’est dans ce contexte qu’un certains nombre de dévots ont imaginé le projet d’une mission particulière d’évangélisation en terre d’Amérique française, plus précisément sur l’île de Montréal.
Nous avons résumé de manière très schématique le travail de recherche de Dominique Deslandres qui ouvre l’ensemble des textes colligés dans ce livre portant sur les origines de Montréal. Ce texte met agréablement la table pour le second qui porte nommément sur la Compagnie du Saint-Sacrement (1630-1667) qui sera maître-d’oeuvre du projet missionnaire relayée par la Société de Notre-Dame de Montréal (1639-1663) et ses différents protagonistes.
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* BRAULT, Jean-Rémi. Les Origines de Montréal, Actes du colloque organisé par la Société historique de Montréal, Leméac, Montréal, 1993.
** Dominique Deslandres, historienne, est professeure titulaire au département d’histoire de l’Université de Montréal et a participé à la fondation du Centre d’Études des Religions (CERUM).