D’UN 17 MAI À L’AUTRE (1642-2017)

((Carte de l’Amérique du nord. En bleu, tout le territoire ayant été sous la gouverne de la couronne Française. L’Amérique française c’était ça.)

(Maquette du Fort Ville-Marie. Musée d’Archéologie et d’histoire de Montréal. Photo: Radio-Canada. Novembre 2016)

(Une vue de Montréal depuis la Tour du Stade Olympique. Photo: Abdallah Hussein. 17 octobre 2010.)

P.S. N’oubliez pas de cliquer sur toutes nos photos pour leur agrandissement

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Du 17 mai 1642 au 17 mai 2017, il s’en est passé des événements, des histoires, des générations d’hommes et de femmes pour faire de la bourgade de Ville-Marie une grande ville de catégorie internationale qui peut faire notre fierté malgré ses nids de poules printaniers.

Comme peuple, il faut se rappeler que les villes de Montréal et Québec furent au tout début de la colonisation française les postes-pivots de ce vaste territoire que représentait la Nouvelle-France d’Amérique du nord avant que l’histoire et la démission nous ratatine à ce petit réduit de Province of Quebec consécutif à la Conquête de 1760 par les Britanniques. Mais ça c’est une autre histoire. On y reviendra.

Pour revenir expressément à nos fondateurs et fondatrices, les Montréalistes d’antan, qu’on ne peut réduire à quelques personnages devenus historiques, comme Maisonneuve et Mance, aussi illustres soit-il et soit-elle, tous ceux et celles qui en parlent dans les jours que nous vivons n’ont que de bons mots.

Hélas, de notre côté, sans vouloir faire bande à part, nous confesserons quelques reproches à nos aïeux. D’abord, commençons par là où tout a commencé avec Jérôme Le Royer de La Dauversière et sa vision d’une colonie missionnaire sur l’île de Montréal. En tout respect, notre Jérôme, semble-t-il, n’a point vu dans sa vision, tous les Iroquois qui se cachaient derrière chaque arbre de la vaste forêt qu’était Montréal à l’époque.

Bien avant que débarquent, les Français dans la vallée du Saint-Laurent, pour une raison qui échappe, partiellement encore aux historiens, sinon que par un souci de vengeance lié à un principe de justice, les Iroquois avaient décidé d’exterminer les Huron-Wendats. Les premiers Français se sont trouvés plus d’affinités avec ces derniers et en s’y alliant devenaient objectivement des ennemis pour les Iroquois. Mais en s’installant sur l’Île de Montréal en plein coeur d’un territoire qui fut jadis occupé par les Iroquois et qui restait pour le commerce des fourrures un lieu stratégique, la recrue de 1642 ne savait pas dans quel guêpier elle venait de mettre les pieds.

C’est pourquoi quand le gouverneur de la Nouvelle-France, Huault de Montmagny offrit en 1641 à Maisonneuve de s’installer plutôt sur l’Île d’Orléans ou dans les environs, on aurait épargné beaucoup de sang versé. Imaginez, aujourd’hui l’Île d’Orléans. Finis, les 42 milles de choses tranquilles. On l’aurait mis en mini jupe and speak english comme le chantait Félix. Et le maire Coderre serait à un jet de pierre de son vis-à-vis le maire Labeaume!

On connaît par quelle célèbre boutade, l’officier de 29 ans de Neuville-sur-Vanne refusa la proposition du gouverneur: « Monsieur, j’irai à Montréal tel qu’on m’y envoie même si tous les arbres de cette île se changeaient en autant d’Iroquois » * . Nous ne savons pas par quel présage le jeune gouverneur de Montréal avait vu si juste car effectivement de 1642 jusqu’aux années 1660, on eut, chez les pionniers de la colonie, la nette conviction qu’il y avait sur l’île de Montréal autant d’Iroquois que d’arbres.

Malgré la rebuffade, le gouverneur de la Nouvelle-France, Montmagny, accompagna la première recrue jusqu’à la pointe de terre se trouvant au confluent d’un bras de la rivière Saint-Pierre et du fleuve Saint-Laurent selon une ancienne indication provenant de Champlain qui avait jadis fait du repérage dans le secteur.

Dès leur arrivée,soit le samedi 17 mai, l’on procéda à la cérémonie civique de la remise de possession du territoire au premier gouverneur de Montréal en la personne de Paul Chomedey, sieur de Maisonneuve. Nous qui connaissons maintenant l’histoire de nos origines montréalaises, c’est aussi à Jeanne Mance qu’on aurait dû remettre les titre de possession! Mais ça aussi c’est une autre histoire.

Si nos fameux saints jésuites canadiens, martyrs des Iroquois, ont payé de leur vie leur tentative missionnaire de rencontre culturelle et d’évangélisation, il faut aussi ne pas perdre de vue que la première décennie d’installation des colons (1642-1653) fut ponctuée d’incessantes attaques. Dans un tel contexte, l’existence du projet missionnaire voulu par les Associés de la Société de Notre-Dame de Montréal fut remise en question autour de l’an 1651. Un certain désarroi commençait à se faire sentir. Non seulement, qu’on perdait trop d’hommes mais dans un tel contexte, il était impossible d’oeuvrer au projet de sédentarisation et d’évangélisation auprès des autochtones.

On suppose, bien sûr, quelques conciliabules entre Maisonneuve et Jeanne Mance afin d’établir l’état des lieux et d’envisager une solution autre que la fermeture des livres. Car il ne faut jamais perdre de vue, que le projet d’une colonie missionnaire sur l’Île de Montréal dans l’optique des membres de la Société de Notre-Dame que se soit La Dauversière, Pierre Chevrier, baron de Fancamp, l’abbé Olier, Mme de Bullion, Gaston de Renty, Maisonneuve, Mance, etc, est un projet voulu par la Providence.

Il semble que du côté de Mance, les termes de l’équation sont au fond relativement simples. Maisonneuve est responsable d’établir une colonie viable et fonctionnelle tandis que pour sa part, Jeanne Mance est mandatée pour doter Ville-Marie d’un hôpital. Si la colonie déclare forfait, il en est de même par effet domino de l’Hôtel-Dieu. C’est ainsi qu’elle décida de « soustraire » pour ne pas dire « détourner » une partie de la somme dédiée pour l’Hôtel-Dieu afin de financer le projet d’un recrutement d’au moins une centaine d’hommes afin de contrer la menace iroquoise. On parle d’une somme de 22 000 livres. Comme on le constate, la demoiselle Mance était capable de faire preuve de comptabilité créative.

Maisonneuve partit donc pour la France en promettant de recruter au moins deux cents hommes menaçant même de ne pas revenir si tel n’était pas le cas. C’est donc dire comment il y avait péril en la demeure. Là-bas, on réactiva les contacts autour des Associés du projet montréalais. Jérôme Le Royer et Mme De Bullion et d’autres ont sorti le chéquier afin de mettre sur pied une seconde recrue. Celle qu’on connaîtra sous le nom de Grande Recrue de 1653.

Le pari de Maisonneuve fut à moitié réussi mais le résultat valait la peine de continuer l’établissement montréalais. En effet, c’est plutôt cent ou cent un nouveaux hommes (colons-soldats) qui ont offert leur service pour la petite bourgade mais pour compenser le reste manquant, une femme du nom de Marguerite Bourgeoys qui valait plusieurs hommes-soldats s’est embarquée dans la folle aventure.

Ainsi, à partir de 1653, Montréal peut compter sur trois piliers Maisonneuve, Jeanne Mance et celle qu’on appellera affectueusement la Mère Bourgeoys. Puis vers la fin des années 1650, le projet missionnaire de Ville-Marie s’est essoufflé, les morts successives de l’abbé Olier en 1657 et celle de La Dauversière en 1659 sans oublier la mort de bien d’autres Associés ont tari les ressources de toutes sortes.

En 1663, soit six ans après leur arrivée à Montréal, les sulpiciens de Paris deviennent les propriétaires de l’île de Montréal et parallèlement le roi Louis XIV décide de réorganiser la gouvernance de ses différentes colonies. C’est ainsi que la petite colonie de Montréal qui tout en ayant l’assentiment et la reconnaissance de la cour du roi mais n’en était pas moins un projet privé dû rentrer dans le giron du principal gouverneur soit celui de la Nouvelle-France. Ainsi, par le fait même le gouverneur de Montréal devenait plutôt le représentant du gouverneur de la Nouvelle-France et perdait une partie de son autonomie politique. Dans les circonstances, en 1665, Maisonneuve décida de rentrer dans ses terres (non pas à Neuville-sur-Vanne mais plutôt à Paris). Fut-il démissionné?

Si ce fut la fin d’une certaine épopée mystique, il n’en demeure pas moins que ce fut le début d’une période de stabilité et de consolidation pour la jeune colonie de Montréal. La force de commandement militaire tenait en joue les Iroquois qui ont bien été obligés de se calmer un peu au risque d’être eux-même en situation d’extermination. Puis, vint, la Grande Paix de Montréal (1701), Jeanne Le Ber…Puis finalement, le 375è anniversaire de Montréal.

On peut reprocher à presque tous ceux et celles qui ont été de près ou de loin des Associés de Notre-Dame-de-Montréal, de nous avoir laisser très peu de documents écrits nous racontant les péripéties qu’ils ont vécu ainsi que les sentiments qu’ils ont éprouvé. Rien pour la postérité. Était-ce dû au type de spiritualité dans laquelle ils ont baigné?

(À suivre).

 

 

 

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