LES PENSIONNATS DE LA HONTE DU CANADA ORANGISTE DE JOHN A. MACDONALD (1880-1990)

Pensionnat Autochtone. Kamloops (C.B.). 1930. Archives Deschâtelets. Domaine public.
Souliers d’enfants devant une église de Kahnawake (Qc). Photo: Chloé Ranaldi (CBC).

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Il en faudra des milliers et des milliers de petites paires de souliers pour nous remettre devant les yeux le drame émotionnel qu’ont eu à vivre et à survivre plus de 150 000 enfants issus des nations autochtones surtout du Canada et un peu moins du Québec. L’on se surprend tout à coup de découvrir ces fameux lieux de sépultures non marqués dont un registre a été exigé dans le rapport de la Commission Vérité et Réconciliation (2008-2015) afin de faire en sorte que « ces âmes d’enfants puissent un jour retourner à la maison« .

Kamloops (C.B.), Marieval (Sask.), Cranbrook (C.B.), ce n’est que le début d’un chapelet de lieux de sépultures d’enfants autochtones qui traversent le Canada du fin fond de notre Ouest mythique canadien avec notre frère Louis Riel jusqu’au Québec en passant, bien sûr, par l’Ontario.

Comme nous le savons tous, il existe plusieurs litiges et contentieux entre les Autochtones du Canada et du Québec et les descendants euro-canadiens et euro-québécois que nous sommes. Que l’on parle de cession de territoire, de gestion de ressources tel que la forêt, les mines et les pêches, d’autodétermination voire d’autogouvernance, il y a place à la discussion entre deux éventuels partenaires égaux afin de pouvoir aboutir le plus souvent possible à des ententes qui ont l’allure de la Paix des Braves voire même de Paix des Braves Plus. Mais lorsqu’il s’agit de maltraitance et de négligence envers des enfants, autochtones ou non autochtones, il y a lieu de rendre des comptes et de connaître la vérité.

Ici, l’on parle d’un programme de scolarisation essentiellement pensé et exécuté afin de mettre un terme à ce qu’on nomme à l’époque au Canada de 1867, le problème indien. Le Canada de 1867 et des années suivantes avec l’expansion vers l’Ouest commencera timidement à instaurer des pensionnats autochtones qui selon de John A. MacDonald permettront de contrer l’influence néfaste des parents autochtones sur leur progéniture. Ainsi, on fera de ses sauvages des Canadien pure laine.

La découverte récente d’un cimetière adjacent à un pensionnat autochtone à Kamloops en Colombie-Britannique a remis à l’actualité une réalité déjà connue au moins depuis le Rapport de la Commision royale d’enquête sur les peuples autochtones mieux connue sous le nom Erasmus-Dussault (1991-1996). Pour être plus précis, c’est en 1990 lors d’une entrevue accordée à un média québécois par Phil Fontaine alors chef Autochtone manitobain que nous avons appris qu’il avait été, personnellement, victime de sévices sexuels entres autres au pensionnat qu’il fréquentait.

Dans la foulée de la crise d’Oka de l’été 1990 et de tous les dossiers autochtones qui n’aboutissaient pas à la satisfaction des parties concernées et particulièrement les Autochtones, le gouvernement fédéral, fiduciaire selon la Constitution de 1867 de la qualité de vie des premiers habitants du territoire a eu la brillante idée de faire le tour de toute la question autochtone afin de peut-être finir par solutionner une fois pour toutes le problème indien comme on disait en ce temps-là.

À l’époque, la Commission royal sur les Peuples autochtones (1991-1996) avait réservé un chapitre entier à ces pensionnats autochtones.Le rapport Érasmus-Dussault (1996) a mis la table pour la mise sur pied de la Convention de règlement relative aux pensionnats indiens du 8 mai 2006. C’est cette Convention qui a ordonné par son Annexe N, la création de la Commission Vérité et Réconciliation (2008-2015). Il importe de rappeler que cette Convention mettait fin aux différents recours collectifs entrepris par des groupes de victimes envers les différentes autorités civiles et religieuses dont les diocèses impliqués, les dénominations religieuses chrétiennes et les communautés religieuses. Ainsi, il est bon de souligner que le montant des compensations avancé lors des recours collectifs se situait autour de 1,4 milliards $. La Convention signée aboutissait à un montant de l’ordre de 175 millions de dolllars ! Ce fut toute une économie pour tout le monde.

La Commission Vérité et Réconciliation basée sur des modèles déjà connus de par le monde (Afrique du sud, Chili) n’est pas une commission d’enquête publique avec tous les outils juridiques normalement dévolus. Elle s’inscrit plutôt dans une démarche de justice transitionnelle connue aussi sous l’appellation de justice réparatrice. La CVR procède d’un processus de guérison par la prise de parole par ceux et celles qui ont subies des sévices et de la nécessité d’un « débreffage ». Dans la mesure où la commission a surtout voulu servir d’exutoire libérateur, elle a privilégié la prise de parole des autochtones blessés et fait peu de place à ceux qui avaient commis des méfaits ou avaitent tout simplement travaillés dans ces résidences. Ainsi, cette commission Vérité et Réconciliation n’ayant aucun pouvoir d’enquête n’est pas habilitée à procéder à des assignations. C’était le prix à payer afin de permettre la tenue d’une telle commission.

Ainsi, la CVR canadienne a pour but de colliger et d’archiver les expériences vécues dans les pensionnats par ceux et celles qui ont la capacité d’une prise de parole publique libératrice afin d’entamer un vrai processus de guérison. Plus de 6000 survivants ont ainsi pris la parole lors des différentes activités tenues à travers le Canada entre 2010 et 2015. D’ailleurs, Vérité, Guérison et Réconciliation sont trois termes d’une même équation et l’un ne va pas sans l’autre. Sinon l’absence de l’un invalide l’autre mais aussi fausse toute la démarche. Il faut avoir en mémoire le fait que les nations autochtones ont toujours privilégié la prise de parole. Ce sont des peuples de l’oralité connus aussi pour leurs légendaires palabres (Voir La Paix de 1701). Ainsi, le processus de la justice transitionnelle (réparatrice) repose sur quatre piliers: le droit de savoir; le droit à la justice; le droit à la réparation; le droit d’être protégé (la non répétition).

Bien que quelques pensionnats pouvaient exister avant la confédération de 1867, le prototype de pensionnats indiens dont il est question dans le rapport Erasmus-Dussault et de la CRV se situent entre 1880 et 1996. Au Québec, le réseau de pensionnats autochtones s’est établie beaucoup plus tardivement soit à partir des années 1930 et fut sous la gouverne de la communauté religieuse des Oblats de Marie-Immaculée (catholique). Rappelons qu’il nous faut distinguer entre ce qui s’est vécu du côté du Canada anglais et par conséquent du côté des minorités francophones de l’Ouest canadien et ce qui s’est vécu au Québec alors que nous n’avions qu’à peine six pensionnats sur les 139 répertoriés. Mais attention, distinguer n’est pas vouloir farder.

Comme nous le disions au début de notre article, des timides débuts de pensionnats typiquement autochtones ont commencé à voir le jour autour de 1856 mais au Canada anglais et dans les communautés francophones de l’Ouest l’envol a commencé autour des annnées 1880. Ce n’est que suite à une modification de la Loi sur les Indiens en 1920 que la fréquentation devient obligatoire pour tout enfant autochtone agé de 7 à 15 ans, quoi que l’on constatera assez vite (à partir de photographies de l’époque) qu’on y retrouve des enfants en très bas âge (3 ou 4 an). C’est ainsi que les enfants autochtones « tombent » alors sous la tutelle du gouvernement canadien qui mise désormais sur l’isolation et l’assimilation de force afin de régler une fois pour toute ce qu’on appelle à l’époque, le « problème indien ».

Mandatées par le gouvernement canadien, différentes dénominations religieuses ont fait oeuvre de sous-traitants puisqu’elles contrôlaient déjà tout le secteur de l’intruction publique et de l’éducation. Côté catholique, quelques diocèses et quelques communautés religieuses sont impliquées. Côté protestant, l’Église anglicane, l’Église méthodiste et la majeure partie de l’Église presbytérienne qui toute deux fusionneront pour devenir l’Église Unie du Canada.

Au plan typiquement missionnaire, l’on fait face à un renversement de la démarche pastorale des communautés missionnaires. Alors qu’auparavant, les missionnaires de l’Évangile allaient vivre en milieu amérindien désormais afin de stabiliser l’autochtone et le sédentariser, on obligera quelques générations d’enfants autochtones à vivre dans des établissements résidentiels.

Bien qu’un certain nombre de parents amérindiens ont pu accepter le projet de pensionnat pour leur enfant afin de leur permettre d’être outillé pour vivre dans ce monde moderne et industrialisé de la fin du XIXè et du début du XXè, ils n’en connaissaient pas tous les tenants et aboutissants.

Au fur et à mesure du développement du réseau de pensionnats autochtones, ceux-ci deviennent des ghettos d’enfants autochtones arrachés à leur famille et ainsi à leur culture ancestrale. Le projet éducatif de ces pensionnats a pour objectif de « Tuer l’indien dans l’enfant » quitte à tuer (par inadvertance) l’enfant indien lui-même soit par la contraction d’une maladie (tuberculose) ou par le suicide.

Vivre en pensionnat autochtone, c’est d’abord comme enfant d’être privé de l’affection de ses parents, c’est vivre l’abandon d’où nait le désespoir. Ajouter à cela le fait que le financement annuel per capita est dérisoire, que les communautés religieuses risquent des pénalités financières si elles n’atteignent pas un quota d’inscriptions, ce qui les conduit à une course au recrutement.

Conséquence première de ce sur-recrutement, des établissements surpeuplés. Une promiscuité qui amène son lot de maladies contagieuses particulièrement la tuberculose. Doublé d’un problème de malnutrition. Les restrictions budgétaires ne permettant pas à nourrir judicieusement les enfants auront aussi une incidence sur le plan disciplinaire. Ainsi, par souci d’économie ou par désir de contrôle pervers, un enfant malcommode ou difficile sera privé de nourriture en guise de punition. L’absence totale de surveillance et de contrôle par les autorités gouvernementales (Ministère des Affaires indiennes) sans oublier le fait que le modèle de pensionnat autochtone s’appuie sur la force de la coercition de l’État canadien (GRC), lui-même, favorisera la levée des différentes inhibitions de la part des adultes oeuvrant dans ce monde fermé sur lui-même (ghetto). Ainsi, on ne peut se surprendre, de l’accumulation de sévices physiques, psychologiques et sexuels. C’est le propre d’un monde clos comprenant des adultes et des enfants.

Si des enfants mouraient qui de malnutrition, qui de maladie socio-sanitaire d’autres mouraient tout bonnement de désespoir. On pense ici au suicide, aux fugues qui l’été pouvait se terminer en noyade et l’hiver par l’hypothermie alors que l’on retrouve un petit cadavre gelé sur la route ou dans la forêt. Sans oublier, les incendies, souvent allumés par les enfant eux-mêmes. Combien de petits cadavres calcinés retrouvés parce que les issues de secours étaient verroullées afin d’éviter les fugues !

Présentons sommairement, une radiographie et une infographie de l’état des lieux actuels. Autour de 150 000 enfants autochtones auraient fréquenté le réseau de pensionnats durant l’équivalent de plus d’un siècle. Quelques 4 000 décès confirmés. 32% de ces décès dont les noms ne sont pas enregistrés. 23% de ces décès où le sexe de l’enfant n’a pas été enregistré. Et, 49%, donc près de la moitié de ces décès dont la cause n’a pas été enregistrée. Il existe des cimetières bien identifiés près des établissements mais aussi des lieux de sépultures non marqués. C’est ceux-là entre autres, que l’on commence à découvrir au grand sursaut d’indignation. Le registre sera difficile à compléter dans la mesure où une loi de 1935 permettait de détruire les dossiers d’élèves cinq ans après la fin de leur fréquentation.

Il importe de préciser que tout au long du XXè siècle à tout le moins, les différents problèmes que rencontraient les administrateurs de ces pensionnats indiens étaient connus. Mais cela était connu sous la rubrique de faits divers. Le ministère des Affaires indiennes, les services de santé, la GRC savaient très bien que les taux de mortalité dans les pensionnats étaient anormalement plus élevés que du côté de la population blanche. Qu’importe.

Il ne faut pas oublier qu’à l’époque un enfant même euro-européen était loin d’être sujet de droit. On le considérait comme malléable et corvéable. Il était sous l’autorité parentale particulièrement l’autorité paternel avec possibilité d’être corrigé même physiquement. Il faudra attendre 1959 pour l’avènement de la Déclaration des Droits de l’enfant (20 novembre 1959) suivie trente an plus tard de la Convention relative aux droits de l’enfant (20 novembre 1989). Sans oublier pour ce qui concerne l’objet cet article, la Déclaration des Nations Unis sur les droits des peuples autochtones (13 septembre 2007).

Cela dit, qu’en est-il exactement de la situation qui a prévalu ou aurait prévalu au Québec? D’emblée, il y a lieu de préciser que sur les pensionnats autochtones l’historiographie reste lacunaire. L’ouvrage le plus récent de Henri Goulet publié en 2016 circonscrit son travail autour des quatre pensionnats du Québec sous la responsabilité des pères oblats de marie-immaculée (o.m.i) et s’appuie essentiellement sur les archives oblatiennes déjà accessibles.

Par souci de transparence intellectuelle, l’auteur de ces lignes reconnaît ne pas avoir pris le temps de lire le livre de Goulet de l’Université de Montréal mais néanmoins en m’appuyant quelque peu sur la lecture de quatre recensions portant sur Histoire des pensionnats indiens catholiques au Québec, je peux être en mesure d’en saisir l’approche et le contenu essentiel. En se concentrant sur les quatre pensionnats oblatiens, cela permet à l’auteur d’éviter d’aborder plus largement, les autochtones du Québec que l’on envoyait dans des pensionnats ontariens par exemple.

Ainsi sur les 139 pensionnats résidentiels au Canada, à peine 6 furent établis sur le territoire québécois dont quatre sous la responsabilité des oblats: Fort George (Baie James), 1930-1980; Sept-Îles 1952-1971; Saint-Marc-de-Figuery (Amos) 1955-1973; et Pointe-Bleue/Mashteuiatsh (Lac Saint-Jean) 1960-1973. Comme on le constate, l’installation de ces pensionnats est tardif au Québec. En effet, après la seconde guerre mondiale, le gouvernement fédéral fait relativement volte-face concernant les écoles résidentielle en favorisant plutôt l’intégration des enfants autochtones aux écoles régulières des blancs.

Ce sont les oblats eux-mêmes qui ici se sont opposés au projet fédéral. Par un certain lobbyisme soutenu, ils ont convaincu le gouvernement de la justesse de leur approche particulière auprès des autochtones. Les pères oblats considéraient que les élèves autochtones auraient été en position de vulnérabilité dans les écoles publiques régulières. Ils auraient été trop désorientés. Ils craignaient pour les enfants autochtones un trop grand choc culturel. Il leur fallait un milieu spécifique capable de tenir compte de leur « indianité » en quelque sorte.

En effet, si l’on se fie aux archives oblatiennes, l’approche pédagogique favorisait la langue et la culture autochtones afin que l’enfant autochtone soit le lien entre la famille et la société blanche. Mais jusqu’où et jusqu’à quand cette pédagogie fut respectée, il semble que l’idée de sortir l’indien de l’enfant l’aurait tout de même emporté au fil du temps. Ce qui nous ramène au dilemme entre le curriculum voulu, le curriculum enseigné et le curriculum caché.

En fait, mise à part la recherche universitaire québécoise qui nous permettrait d’établir une historiographie typiquement québécoise de l’histoire scolaire des autochtones au Québec, je plaiderais pour une commission publique dont le gouvernement québécois et les premières nations du Québec établiraient ensemble les modalités de fonctionnement.

Faire oeuvre historienne n’a rien à voir avec la morale. Tenter une écriture de l’histoire c’est tenter de décrire le plus objectivement possible ce qui s’est matériellement passé en essayant d’en expliquer les différentes motivations. L’écriture de notre histoire nationale c’est l’écriture du vainqueur. Le développement de nos rapports avec les Autochtones doit-il nous faire regretter les voyages de Cartier et de Champlain ? Allons-nous mettre en procès Maisonneuve, Jeanne Mance et Marguerite Bourgeoys ? Peut-on comparer le choc culturel du XVIIè siècle et le programme des pensionnats ?

L’historiographie récente nous a conduit à laisser de l’espace aux récits souvent différents des vaincus. Quoi de plus fécond au plan intellectuel de faire chevaucher les différentes perspectives d’un plus ou moins même récit. Le programme des pensionnats autochtones, n’est pas un incidents de parcours, il s’inscrit dans la ligne d’un rapport colonial c’est-à-dire d’un rapport de subordination où l’entité la plus forte soumet l’entité la plus faible. L’accusation et le répentir sincère ne mèneront à rien si d’emblée on ne remet pas en question le processus colonial qui nous a permis de spolier les autochtones de leur territoire, d’exiger l’abandon de leurs coutumes ancestrale et culturelles et surtout de leur avoir fait perdre leur autodétermination.

Nous sommes en mesure de mettre fin d’abord à un certain aveuglement et ensuite à travailler avec les dix nations autochtones québécoises reconnues afin d’établir des relations politiques égalitaires et mettre en place les mécanismes qui permettront d’aplanir les contentieux de nature territoriale et gouvernementale.

En somme, il est impérieux que les Québécois prennent acte de la situation des peuples autochtones en s’appuyant sur le rapport Erasmus-Dussault (1996) qui a fait le tour de toute la question autochtone contemporine et non du problème indien ainsi que du rapport de la Commission Vérité et Réconciliation (2015) sans oublier le rapport de la Commission d’enquête sur les relations entre les Autochtones et certains services publics: écoute, réconciliation, et progrès mieux connue sous l’appellation de la Commission Viens (Gouvernement du Québec).

La table est mise qui osera venir s’asseoir pour envisager une mise à niveau égalitaire où le lien colonial se métarphosera en rapport interculturel et transculturel où l’un et l’autre apporte et reçoit, où l’un et l’autre accepte d’entendre et de regarder la perspective d’autrui, où l’un et l’autre accepte d’aboutir ensemble à une solution qui ne fait pas de perdants mais des gagnants-gagnants. Pour le christianisme de l’Amérique française et particulièrement pour l’Église catholique, il lui faudra accepter le fond ancestral des spiritualités autochtones qui viendront colorées ses rites et ses manières liturgiques parce que ce n’est pas nécessairement vrai que la grâce ne passe que par la culture euro-canadienne avec ses modes de pensée et ses façons de faire aussi belles qu’elles soient.

Nous avons écris avec la craie de l’Évangile, une page sombre de notre histoire nationale. Espérons qu’avec la poussière résiduelle de cette craie, nous puissions écrire quelque chose comme nous réconcilier c’est-à-dire se rencontrer l’un et l’autre en mode égalitaire avec nos qualités, nos défauts, nos caprices mais avec la volonté « d’occuper ensemble » ce vaste territoire.

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RAYMOND LÉVESQUE (1928-2021). PATRIOTE INDÉPENDANTISTE IMPÉNITENT

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Le poète, auteur-compositeur, et comédien de surplus, n’a jamais eu la notoriété d’un Félix Leclerc ou d’un Gilles Vigneault mais il fait partie de ces pionniers de notre chanson typiquement québécoise. Il est décédé lundi 15 février 2021 victime comme tant d’autres de notre familier covid-19.

C’est lui qui en 1956 eut l’idée alors qu’il est à Paris et que la France s’embourbe en Algérie de composer Quand les hommes vivront d’amour. Cette chanson a connu un drôle de destin. En effet, pendant plusieurs décennies, tout en étant une belle chanson, elle était appréciée d’un public restreint. Ce n’est que depuis les années ’90 qu’elle est devenue comme un hymne à la paix universelle que l’on chante ici et là jusqu’à satiété.

Malheureusement, le succès soudain de cet hymne à la paix a fait en sorte d’éclipser l’ensemble du répertoire de chansons de l’auteur-compositeur que fut Lévesque. En ce qui me concerne, j’ai toujours considéré Bozo les culottes comme étant l’une des chansons les plus descriptives d’une certaine époque du Québec contemporain.

En faisant nommément allusion à la révolte du canadien-français qui pour s’affirmer mettait des bombes dans des lieux qui symbolisaient notre statut colonial, Lévesque faisait ainsi l’autopsie d’une société bloquée dans son développement. Heureusement, les chemins plus démocratiques se sont petit-à-petit ouverts permettant à des Bourgault, d’Allemagne, Ferretti, Lévesque (René) à aider les Canadiens-Français que nous étions et que nous sommes à devenir des Québécois/Québécoises comme disait naguère Gilles Duceppe.

Je me souviens aussi de la polémique qu’avait soulevé Raymond Lévesque en 1980 alors qu’il soutenait que seul les Canadiens-français devraient avoir le droit de vote sur la question nationale lors du premier référendum. Cette proposition faisait écho en quelque sorte à l’idée des deux peuples fondateurs. La revendication nationale pour un pays devait être le fait des Canadiens-français. Évidemment, le principe démocratique de la primauté du statut de citoyen doublé du principe, d’un homme un vote, évitait de faire de la question nationale une affaire ethnico-ethnique.

Raymond Lévesque comme la plupart des chansonniers a mis au monde un répertoire de chansons descriptives de la vie ordinaire ce qui en faisaient leur charme tout en étant très simples. Je pense, entre autres, à cette chanson parlant des gamins et gamines sur Les trottoirs que je vous laisse en souvenir de Raymond Lévesque avec en prime Bozo les culottes.

Le hasard des choses à fait que l’indépendantiste impénitent qu’était Raymond Lévesque est mort ce 15 février 2021 alors que l’ensemble des Patriotes du Québec commémorait le douloureux souvenir de la pendaison de cinq patriotes dont le notaire François-Marie Thomas, chevalier De Lorimier, à la prison du Pied-du-Courant à Montréal le 15 février 1839. Ni le Covid-19 ni l’échafaud ne nous fera taire!

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LE 377è de MONTRÉAL: UN HOMMAGE À DES BÂTISSEUSES DE PRÉSENT ET D’AVENIR

(L’Arrivée des trois religieuses hospitalières de La Flèche en 1659. Vitrail.)


(Peinture. Artiste inconnue. Musée des soeurs de Miséricorde)

(Affiche Publicitaire. Journées de la Culture 2018. Musée des Soeurs de Miséricorde)

(Émilie Tavernier-Gamelin. 1800-1851.)

(Mère Émilie Gamelin. Bronze. Sculpteur: Raoul Hunter (1926-2018). 1999. Photo: Michel Dubreuil/16.04.2007. Édicule de la station Berri-UQÀM)

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LIMINAIRE

Des circonstances hors de notre contrôle, nous ont obligés de retarder la publication de cet article. L’événement étant déjà du passé, nous avons cru bon et nécessaire de remanier quelque peu le texte afin d’en parler plutôt comme témoin des événements.

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Cette année dans le cadre du 377è anniversaire de la fondation de Montréal (1642-2019), le comité de préparation de la messe annuelle de commémoration sous la présidence de l’abbé Marcel Lessard a tenu à rendre hommage à trois communautés religieuses d’ici ainsi qu’à leurs fondatrices respectives en soulignant un jubilé particulier en cet an de grâce 2019 comme on disait à une certaine époque. Ces trois communautés féminines sont les religieuses Hospitalières de Saint-Joseph, les soeurs de la Providence et finalement, les soeurs de Miséricorde

Les religieuses Hospitalières de Saint-Joseph célèbrent le 350è de l’arrivée à Ville-Marie (1659-2019) des trois premières Hospitalières venant de la ville de La Flèche et qui avaient pour noms Judith Moreau de Brisoles, Catherine Macé et Marie Maillet. C’est justement à ces trois hospitalières que se joindra, en 1662, Marie Morin âgée alors de seulement 13 ans qui deviendra par le fait même la première hospitalière d’origine canadienne et qui, de plus, comme on le sait, rédigera de 1697 à 1725 les célèbres Annales de l’Hôtel-Dieu de Montréal, ce qui en fera, ainsi, la première « historienne » de Montréal juste un peu avant L’Histoire du Montréal de Dollier de Casson.

De leur côté, les religieuses de la Providence célèbrent le 175è anniversaire de leur fondation par Émilie Gamelin. Cette célèbre Mère Gamelin  que l’on croise régulièrement à l’une des portes d’accès du métro Berri-UQÀM tandis que les religieuses de Miséricorde célèbrent l’inauguration de la célèbre Crèche de la Miséricorde fondée en 1879.

À ceux et celles qui se demandent pourquoi en cette commémoration de la fondation de Ville-Marie/Montréal ne pas s’en tenir comme à l’habituel à honorer le gouverneur Chomedey de Maisonneuve ainsi que la proviseure et infirmière, Jeanne Mance, la réponse est toute simple et se décline en deux raisons. D’abord, la première c’est que ces derniers temps, nous avons passablement parlé de nos deux illustres fondateurs. Puis, dans un deuxième temps, nous serions bien avisés de faire ressortir la phrase prophétique du père Vimont, tirée de l’évangile, incrustée dans le granit et le bronze du monument à Maisonneuve (place d’Armes) dites lors de la messe du lendemain de l’arrivée de la première recrue en mai 1642 et qui se lit comme suit: « Vous êtes le grain de sénevé qui croîtra et multipliera et se répandra dans tout le pays« . Ainsi en fut-il jusqu’à nos jours.

En effet, il sied très bien que la commémoration de la fondation d’une ville soit aussi le temps de célébrer les fruits du grain de sénevé mis en terre en cette après-midi du samedi 17 mai 1642. Il faut se rappeler, que tout au long des XVIIIè et XIXè siècles, et même avant, au gré des besoins sociaux et sanitaires qui se manifestaient sur le territoire de la Nouvelle-France, avant comme après la Conquête, des communautés de religieux et religieuses sont fondées afin de faire face aux défis du temps et de tenter d’offrir des solutions. Particulièrement, entre 1840 et 1870 alors que le diocèse de Montréal était sous la gouverne de Mgr Ignace Bourget.

L’évêque de Montréal de l’époque allait régulièrement en France pour solliciter des communautés religieuses afin qu’elles viennent s’établir à Montréal. Quand il essuyait un refus ou qu’il constatait une non possibilité, il en fondait une ici même avec les moyen du bord. Faut-il rappeler qu’il fut un temps où le diocèse de Montréal et, par conséquent la ville, comptait l’équivalent de quelques 165 congrégations religieuses actives.

Pour revenir à nos trois communautés jubilaires du 377è de Montréal, commençons par degré d’ancienneté. Quand on pense aux Religieuses Hospitalières de Saint-Joseph, on pense instinctivement à l’Hôtel-Dieu de Montréal et à Jeanne Mance qui doit-on le rappeler n’était pas religieuse mais une laïque dévouée. Afin de soutenir le travail de celle-ci, Jérôme le Royer de la Dauversière qui avait mis sur pied à La Flèche (France) une communauté de religieuses hospitalières qui était déjà à pied d’oeuvre dans différentes régions du royaume de France avait prévu en délester quelques-unes pour l’Hôtel-Dieu de Mlle Mance.

C’est donc une bouture de cette communauté fléchoise qui est venue s’installer à Montréal. C’est justement Judith de Brésoles qui prendra la relève de Mance. Soit dit en passant, par respect pour l’histoire, si l’on associe la fondation des religieuses hospitalières à Jérôme Le Royer, il importe de souligner que celui-ci avait fait de Marie de La Ferre, co-fondatrice de cette communautés, « sa pierre angulaire » pour l’établissement de cette communauté dans plusieurs régions de la France. Et, en toute honnêteté, on ne peut dissocier le nom de Marie de La Ferre à celui de Le Royer en ce qui a trait à cette communauté de religieuses hospitalières. Comme on ne peut dissocier le nom de Pierre Chevrier, baron de Fancamp du financement des projets de Monsieur Le Royer de La Dauversaire.

Avec Rosalie Cadron-Jetté (1794-1864) et Émilie Tavernier-Gamelin (1800-1851), il nous faut enjamber deux siècles de notre histoire et par conséquent se retrouver dans un tout autre contexte de vie matérielle. En effet, nous sommes au début de l’industrialisation et surtout de l’urbanisation de Montréal avec le type de problèmes qu’amène ce nouveau mode de vie: prolétariat urbain, chômage, esseulement des démunies de tous âges. Or, deux femmes pieuses et bien assumées qui auront connu en l’espace de peu de temps vie conjugale, vie familiale et veuvage prématurée, retrousseront leurs manches et se consacreront à leurs oeuvres respectives.

Rosalie Cadron-Jetté (1794-1864) s’est mariée à l’âge de 17 ans en 1811 à Jean-Marie Jetté. Ils seront respectivement mère et père de onze enfants. Mais en 1832, Rosalie devient veuve. Elle prend le temps d’élever sa marmaille puis en 1845 se sentant dégagée de toute responsabilité familiale, elle réoriente sa vie.

On sait que dès 1840, elle avait commencé à s’entourer de filles-mères dans son propre foyer afin de les soutenir et de leur apporter du réconfort. Rosalie passe outre aux préjugés sociaux de son époque ainsi que de son entourage immédiat voire même de ses enfants et le 1er mai 1845 avec l’aide d’une fille-mère pénitente, comme on le disait à l’époque, elle aménage dans une nouvelle maison donnée pour l’occasion par un riche financier montréalais du nom d’Antoine-Olivier Berthelet. Ce Berthelet possède plusieurs propriétés. Il est un proche soutien des oeuvres de Mgr Bourget et se fera généreux aussi pour celles de Rosalie et d’Émilie.

Puis, le 16 janvier 1848, c’est l’officialisation des débuts d’une communauté de vie religieuse avec les premières prises d’habits. Mère Rosalie, de par tempérament, déclinera toute offre de fonction d’autorité pour, essentiellement, se consacrer à l’accueil des « filles tombées » , le soin des nourrissons, les visites à domicile ainsi que les visites aux prisonnières.

Une dimension du travail qu’ont effectué les soeurs de Miséricorde et qui passe souvent sous le radar, concerne leur travail de sages-femmes. En effet, plusieurs d’entr’elles ont fait oeuvre de sages-femmes. D’ailleurs, les huit soeurs fondatrices possèdent leur certificat de sages-femmes. Ainsi, les soeurs de Miséricorde apportent des soins avant pendant et après l’accouchement. Malheureusement, en 1862, les médecins de l’époque, de leur haute autorité, leur interdisent désormais de s’occuper des accouchements.

Venons-en maintenant à mère Gamelin. Comme on le disait plus haut, Émilie Gamelin (1800-1851) à l’instar de Rosalie Jetté connut la vie conjugale et familial mais en plus tragique si l’on peut dire. En effet, Rosalie épousa Jean-Baptiste Gamelin en 1823. Elle devint veuve quatre ans plus tard. Deux des trois garçons moururent dès après leur naissance tandis que le troisième mourut quelques mois après le décès du père. Il n’y a pas lieu de se surprendre qu’elle pria intensément Notre-Dame-des-Sept-Douleurs.

Puis surmontant ces afflictions, assez à l’aise financièrement suite à l’héritage de son mari, et en pleine possession d’elle-même, elle prend goût pour les oeuvres de charité. Elle participe à la mise sur pied de l’Association des Dames de la charité afin de venir en aide aux victimes de la pauvreté, particulièrement les personnes âgées. Les Dames feront, entre autres choses, des visites à domicile apportant réconfort, aumônes, vêtements s’Il y a lieu.

De plus, parmi les différents legs figurant dans l’héritage laissé par son Jean-Baptiste, il y est mentionné les soins à apporter à un « idiot » connu sous le nom de Dodais. Émilie s’en occupe jusqu’à la mort de celui-ci. Dans la petite histoire des soeurs de la Providence, il semble que ce Dodais soit vu comme étant à l’origine de l’oeuvre de l’hôpital Saint-Jean-de-Dieu et du Mont-Providence.

Un premier bâtiment à l’angle des rues Sainte-Catherine et Saint-Laurent au niveau du rez-de chaussée servit de premier refuge pour un petit groupe de vieilles dames esseulées. Mais très vite le lieu devient trop exigu.C’est encore Monsieur Berthelet qui offrit l’une de ses nombreuses propriétés afin d’accommoder, cette fois-ci, Émilie. Le 13 mai 1836, la quelque vingtaine de vieilles dames sont transférées dans ce qu’on appela la maison jaune qui devint par la suite le lieu du berceau de la communauté des soeurs de la Providence.

On ne peut passer sous silence la présence active d’Émilie Gamelin auprès des prisonniers politiques issus des Troubles de 1837-1838. Non seulement, elle était parente de quelques-uns mais son dévouement auprès d’eux ainsi qu’à leur famille respective l’a mise au coeur de déchirements dramatiques. Elle assurait, entre autres choses, l’échange de correspondance épistolaire entre les prisonniers et leur famille.

La veille des exécutions par pendaison du notaire Cardinal, père de six enfants ainsi que du jeune Duquette, le seul soutien de famille de sa mère et de ses trois jeunes soeurs, elle put se faire accompagner par des proches des deux prisonniers pour les adieux d’usage. Signalons en plus, qu’Émilie Gamelin était une intime de la famille de Chevalier de Lorimier qui fut pendu, quant à lui, en février 1838.

Émilie Gamelin fut une fidèle collaboratrice de l’évêque de Montréal, Mgr Ignace Bourget mais il n’est pas sûr que le fait que celui-ci voulut transformer la structure civile du groupe des Dames autour d’Émilie Gamelin en structure religieuse canonique ait été le premier choix de la future Mère Gamelin. M’enfin, elle semble malgré tout s’y être pliée de bon coeur.

Nous avons par quelques touches assez épars tenté de vous faire découvrir sommairement cinq femmes dont le dévouement à donner corps au grain de sénevé mis en terre le 17 mai 1642 sur cette pointe du territoire de Montréal et qui ont été mises à l’honneur le dimanche 19 mai 2019 lors de la messe annuelle commémorant la fondation de Montréal.

Comme à l’habituel, la messe a été célébrée à la basilique Notre-Dame à 11h00 par l’archevêque de Montréal, Christian Lépine dont l’homélie est demeurée en périphérie des oeuvres concrètes de ces pieuses femmes engagées à soulager des personnes démunies que l’on dédaignait (filles-mères, malades mentaux, prisonniers politiques, prisonnières de droit commun). De cela, on a rien entendu dans les mots de l’orateur! Cette messe a été précédée à 10h30 par la cérémonie civique et militaire du régiment Maisonneuve avec tribut floraux et salve de tirs. Quant à la Société historique de Montréal, son président, Robert Comeau nous a dans un premier temps conviés pour l’après-messe, à l’obélisque de la place d’Youville à un jet de pierre du Musée de Pointe-à-Callière afin de renouer avec une petite tradition commencée en 1893 alors que la Société historique de Montréal inaugura le monument de la fondation de Ville-Marie. Puis, par la suite les membres de la SHM et quelques invités ont fait bombance avec la tenue du traditionnel banquet de celle-ci.

Pour la petite histoire, disons que l’édition 2019 des commémorations de la fondation de Montréal a brisé une tradition un peu plus que centenaire. On sait que c’est en 1917 qu’eut lieu la première grande commémoration sous l’égide de Victor Morin alors président de la Société Saint-Jean-Baptiste de Montréal (1915-1924) et simultanément de la Société historique de Montréal (1916-1928). Or cette année, la Société historique de Montréal, par la voix de son président Robert Comeau, a voulu prendre ses distances d’avec le diocèse de Montréal et de la messe de commémoration de la fondation de Montréal. Ce qui, bien sûr, n’a pas empêchée la messe d’être dite. Loin de là!

Quant à la Ville de Montréal, sur son site l’on retrouva l’information qui nous conviait le vendredi 17 mai à 18h00, Place de La Dauversière, à un événement festif et inclusif, le mot à la mode ces temps-ci, avec animation et maquillage pour les enfants, une seconde animation par la Compagnie de la Franche Marine et finalement une autre animation-prestation par un groupe de chanteurs de PowWoW contemporain. Grand bien lui fasse!

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LES FRANCO-ONTARIENS: DU RÈGLEMENT XVII À DOUG FORD EN PASSANT PAR MONTFORT

(Le drapeau franco-ontarien. Journal Le Reflet Témiscamien.)

(Une affiche de l’Assemblée de la francophonie de l’Ontario)

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 » Mais je dois informer les honorables membres que quand même la connaissance de la langue anglaise me serait aussi familière que celle de la langue française, je n’en ferais pas moins mon premier discours dans la langue de mes compatriotes canadiens-français, ne fut-ce que pour protester solennellement contre cette cruelle injustice de l’Acte d’Union qui proscrit la langue maternelle d’une moitié de la population du Canada. Je le dois à mes compatriotes, je le dois à moi-même ».

                                                                       –  Louis-Hippolyte La Fontaine

Il en fut ainsi au Parlement de l’Union en ce 13 septembre 1842, où Louis-Hippolyte La Fontaine, premier ministre du Canada-Est, faisant fi de l’interdiction de l’usage du français répondit promptement au député de Toronto (Ontario) qui lui intimait de parler en anglais. C’est par un acte de désobéissance civile, qu’il entama son mandat de premier ministre. Peu importe, le jugement que l’on peut porter sur l’ensemble de l’oeuvre de l’homme, il n’en demeure pas moins que ce discours en français s’apparentant à un crime de lèse-majesté peut continuer à nous inspirer à promouvoir et défendre la langue de nos aïeux comme disait l’autre.

Ce petit détour par l’histoire ouvre la porte à notre sujet d’article. C’est inimaginable comment parfois l’actualité politique peut nous rattraper par la porte d’en arrière alors que l’on surveillait la porte d’en avant. En effet, il y a quelques semaines, la journaliste Denise Bombardier, dans le cadre d’une émission télé (TLMP), eut la maladresse de parler des communautés francophones du Canada comme étant presque disparues et soutenant avec raison que les Métis du Manitoba ne parlaient plus le français.

Il n’en fallait pas plus, pour faire réagir les porte-parole autorisés de ces communautés. Le président de la Fédération des communautés francophones et acadienne du Canada, Jean Johnson s’est dit étonné de ce genre de propos. tandis que le président de la Société de l’Acadie du Nouveau-Brunswick a poliment invité Madame Bombardier à venir participer au prochain tintamarre le 15 août prochain à Caraquet afin de constater de la vitalité des communautés francophones et particulièrement du peuple acadien.

Comme les Québécois devrait le savoir, les communautés francophones sont très chatouilleuses voire même susceptibles lorsque les Québécois portent un jugement sur leur situation numérique et linguistique. C’est qu’au fait, il nous faut savoir distinguer les malheurs subis par ces communautés par des lois restrictives au plan linguistique et la relative vitalité qui ne se dément pas depuis au moins une trentaines d’années.

On le sait un grand malentendu s’est installé entre le Québec et nos compatriotes francophones du Canada surtout depuis la fin des États généraux du Canada français tenus entre 1966 et 1969. Pour résumer sommairement ces États généraux, disons simplement, qu’au terme des grands palabres qu’offrent toujours ce genre de grande assemblée, il y fut tenu un vote sur une résolution à trois volets qui stipulait premièrement que les Canadiens français formaient une nation; deuxièmement que le Québec était en quelque sorte le foyer national de cette nation et que finalement la nation canadienne française avait le droit de disposer d’elle-même et par conséquent de choisir son régime politique.

Cette résolution en trois volet fut très clivante. Si les délégués du Québec (98%), de l’Acadie (52%) et de la Colombie-britannique (59%) ont voté en faveur selon des proportion différentes, l’Ontario (55%), la Saskatchewan (63%), l’Alberta (68%) et le Manitoba (74%) furent nettement en défaveur.

C’est ainsi que mourut le projet et le rêve d’une grande nation canadienne française en Amérique tel qu’entretenu par des hommes comme Henri Bourassa et Lionel Groulx. C’est ainsi que le Canada français s’est fractionné. Le Québec donna naissance officiellement aux Québécois, et les minorités francophones des autres province de la Confédération sont devenues franco-albertaines, franco-manitobaines, franco-ontariennes. Et, les Acadiens sont demeurés Acadiens.

Cette semaine le gouvernement conservateur orangiste de l’Ontario de Doug Ford a annoncé, sans crier gare, l’abandon définitif du projet d’une Université francophone mettant fin aux subventions envisagées ainsi qu’à l’abolition du Commissariat aux services en français pour transférer une partie de son travail au bureau de l’ombudsman de l’Ontario. Tout cela afin de réduire le déficit abyssal de 15 milliards de dollars du gouvernement.

Les franco-ontariens ont déjà joué dans ce genre de film d’économie de budget. En effet, il y a une vingtaine d’années lorsqu’un autre gouvernement conservateur de tendance orangiste décida, sous couvert de faire des économies, de fermer le seul nous répétons une deuxième fois, le « seul » hôpital universitaire francophone en Ontario de l’époque à savoir l’hôpital Montfort. Heureusement, il y eut une levée de boucliers suivi d’un long combat médiatique et surtout judiciaire. En 2001, Montfort obtenait gain de cause en Cour d’appel de l’Ontario. Et, en 2005, un nouveau gouvernement, issu du parti libéral de Dalton McGuintey revint au statu quo.

Nous vous parlions en tout début d’article de l’actualité qui s’inscrivait dans le temps long de l’histoire. Il en est ainsi du sort des minorité francophones du Canada. En effet, pour bien prendre la mesure de ce qui se passe en Ontario gouvernée par des oranges bleus, il faut remonter ou si vous préférez il faut reculer au fameux Règlement XVII  édicté par le gouvernement orange bleu de l’époque.

Le Règlement XVII qu’on peut situer dans la foulée des lois linguistiques restrictives qu’avait connues les provinces de l’ouest du Canada en 1896 et 1905 peut se résumer ainsi: lors de l’entrée scolaire les gamins de six à sept ans pouvaient bénéficier d’un enseignement en langue maternelle française avec apprivoisement des premiers rudiments de l’anglais. Et, dès la 2è/3è années de classe tout devait se dérouler en anglais. Une manière plus ou moins subtile de procéder à l’extinction culturelle du fait français en Amérique britannique.

La crise du Règlement XVII qui perdura de 1912 à 1927 fut, en quelque sorte, l’événement fondateur de l’identité des franco-ontariens. C’est dans la foulée de ce conflit que naissent les différentes institutions franco-ontariennes les plus représentatives des francophones de l’Ontario. On n’a qu’à penser au journal Le Droit des Oblats du père Charlebois. De l’Association canadienne-française d’éducation de l’Ontario (ACFEO) dont l’idée remonterait à un projet qu’avait en tête le père Émile David, o.m.i., de l’Université d’Ottawa qui dès 1908 rêvait d’une assemblée de tous les canadiens-français de l’Ontario.

Par ce type de lois restrictives en matière scolaire, le gouvernement conservateur orange bleu pouvait ainsi se préserver l’appui des extrémiste anglo-protestants que l’on retrouve aisément au sein des loges orangistes ontariennes mais aussi des anglo-catholiques, oui, oui, vous avez bien lu des anglo-catholiques et particulièrement, de l’épiscopat irlandais avec à sa tête, l’évêque de London en la personne de Mgr Michael Francis Fallon.

Le reproche fondamental fait à la clique épiscopale irlandaise ontarienne menée par Mgr Fallon et par une bonne partie du clergé irlando-catholique est à l’effet que ceux-ci menaient une guerre sourdre aux franco-ontariens en cherchant à établir la suprématie de la langue anglaise à l’intérieur de l’Église catholique de l’Ontario.

Mais ce conflit scolaire quoique local ne put s’empêcher de déborder les frontières de l’Ontario puisqu’une attaque contre une partie des Français d’Amérique devait ameuter tout le Canada français de l’époque. Il ne faut pas oublier mais plutôt se rappeler que le Québec du premier tiers du XXè siècle était en pleine effervescence nationaliste et patriotique consécutive à notre opposition à la guerre des Boers et au premier conflit mondial et la crise de la conscription qui s’en est suivi.

C’est l’époque de Henri Bourassa, grand orateur, homme politique et fondateur du journal Le Devoir (1910) et du chanoine Lionel Groulx qui dès 1915 tiendra la première chaire d’histoire du Canada à la Faculté des Arts de l’université de Montréal alors une succursale de l’Université Laval. S’ajoute à ces deux illustres personnages, Olivar Asselin, journaliste et président de la Société Saint-Jean-Baptiste-de- Montréal ). Sans oublier que ce conflit ne laisse pas indifférent le cardinal Bégin (archevêque de Québec) ainsi que Mgr Bruchési (archevêque de Montréal).

Pour Lionel Groulx qui se veut le chantre du Canada français partout où il se trouve en Amérique du nord, le conflit linguistique ontarien sonne le réveil de la nation canadienne-française. En ajoutant à cela la crise de la conscription de 1917, on se retrouve avec un cocktail explosif permettant une prise de conscience de l’identité nationale canadienne-française.

En effet, pour Groulx, chaque combat nationaliste et patriotique sont une manière de refuser les affres de la Conquête de 1760 et de la Cession (Traité de Paris) d’un territoire et d’un peuple à un empire britannique. Groulx entretenait de nombreux contacts avec les chefs de la résistances franco-ontarienne et il était souvent sollicité pour ses judicieux conseils. Mais il avait, tout de même, pour prémisse une maxime qui pouvait se résumer ainsi en non ingérence mais non indifférence. Tien, tiens.

De ces chefs de file locaux du combat ontarien, il y eut deux illustres sénateurs, l’un venant des rangs conservateurs et l’autre du parti libéral. D’abord le sénateur Philippe Landry suivi du sénateur Napoléon Belcourt qui furent successivement président de l’ACFEO.

Au moment où éclate la crise causée par le Règlement XVII, le sénateur Philippe Landry était alors président du Sénat canadien. À l’âge vénérable de soixante-dix ans, Landry décide de quitter le confort de la présidence du Sénat afin d’avoir les coudées franches et libres de toutes attaches, il accepte la présidence de l’ACFEO afin de mener le combat.

Lorsque celui-ci mourut à l’âge de 74 ans, les funérailles furent présidées par le cardinal Bégin et l’éloge funèbre lu par Mgr Latulipe lequel pour valoriser l’action du défunt eut des mots dures pour le gouvernement ontarien de l’époque. « On édicta contre nos écoles un règlement attentatoire aux droits des pères de famille,attentatoire à la vie de notre race, et quoique d’une manière indirecte, pareillement attentatoire aux droits de notre sainte religion» (Mgr Latulipe, Oraison funèbre).

Qu’en est-il maintenant? Que nous faut-il faire? Doit-on réagir comme Québécois ou comme Canadien-français. Peut-on additionner les deux statuts et réagir comme Québécois et comme Canadien-français sans démériter? Peux-ton revêtir les oripeaux de notre origine canadienne-française pour se faire solidaire de nos frères et soeurs de « race » comme on disait à une certaine époque?

Sans ingérence indue mais surtout sans indifférence, nous considérons que le gouvernement de l’État québécois, foyer principal et indiscutable du groupe ethno-culturel canadien-français en terre d’Amérique du nord depuis le XVIIè siècle et membre à part entière de l’Organisation internationale de la francophonie ne peut se défiler.

L’État du Québec doit fournir son support financier et organisationnel à l’Assemblée des francophones de l’Ontario (AFO) selon les paramètres que celles-ci demande dans une optique de non ingérence non indifférence. Il faut profiter de cette occasion pour rebâtir les ponts entre toutes les francophonies d’Amérique. Il est vain et inutile de faire partie de l’Organisation internationale de la francophonie même sans Madame Jean si nous sommes eunuques quand un morceau important de la francophonie de l’Amérique française nous interpelle. La francophonie internationale ce n’est pas juste l’Afrique de la Françafrique mais c’est aussi la francophonie d’Amérique.

« Le Québec a charge d’âmes » disait à propos le chanoine Groulx, en février 1921 dans l’Action française. Alors qu’est-ce qu’on attend pour prendre charge d’âmes?

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LA SOCIÉTÉ HISTORIQUE DE MONTRÉAL (1858-2018)

LIMINAIRE

Le 11 avril 1858, un quatuor de personnes impliquées dans la vie de Montréal décida de fonder pour le présent de leur époque et pour la postérité la Société historique de Montréal. Cette société savante célèbre cette année son 160è anniversaire de fondation. Pour le bénéfice de nos lecteurs et lectrices, nous reproduisons l’article inaugural* de VILLE-MARIE EXPRESS de mars 2015 portant à juste titre sur la Société historique de Montréal fondée, entre autre, par le maire de Montréal et inspecteur-surintendant de l’époque, Jacques Viger (1787-1858).

*  Cet article fut revu, corrigé et amélioré le 11 avril 2018 par le rédacteur de VILLE-MARIE EXPRESS.

http://ville-marie-express.quebec/index.php/2015/03/

 

 

 

 

 

LA CROIX DU MONT-ROYAL (1643-2018) 375 ANS APRÈS MAISONNEUVE

(photo: Olivier Jean. Archives La Presse)

(Vue de soir de la croix illuminée. Photo: source inconnue)

(Vitrail représentant le geste de Maisonneuve du 6 janvier 1643. Photo: Basilique de Montréal)

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Quelques deux centaines tout au plus de valeureux et de valeureuses catholiques montréalais et montréalaises ont bravé le froid sibérien de texture québécoise afin de se mettre dans les pas de Paul Chomedey de Maisonneuve, fondateur de Montréal avec sa collègue Jeanne Mance en refaisant un petit parcours sur la montagne montréalaise afin de commémorer l’installation de la première croix (en bois) fait par Maisonneuve.

L’on sait que fin décembre 1642, le fort de la jeune colonie étant installé sur une pointe jouxtant le fleuve, la formation d’une embâcle sur la petite rivière Saint-Pierre menaçait de sortir de son lit et ainsi inonder le fort de la colonie. Priant instamment la Vierge de les préserver d’un tel malheur, Paul Chomedey promit en retour d’aller planter une croix sur la montagne.

C’est ainsi que le 6 janvier 1643, honorant sa promesse, les membres de la jeune colonie, Maisonneuve en tête, escalade la montagne pour y planter une croix. Cette croix de bois nul n’en trouve la trace maintenant et la croix que l’on voit tant le jour que la nuit à l’un des sommets de la montagne, c’est la croix de 1924.

Afin de bien en apprécier les tenants et aboutissants de cette croix du Mont-Royal qui surplombe la ville de Montréal, nous allons comme à notre habitude faire un petit détour par l’histoire. Et nous allons y découvrir beaucoup plus de choses que l’on y aurait pensé auparavant.

En effet, c’est en 1924 à l’initiative de la Société Saint-Jean-Baptiste de Montréal qu’un projet d’une croix métallique et illuminée prend forme. La SSJB-M reprend une idée lancée par l’abbé Alexandre-Marie Deschamps, alors curé de Saint-Sulpice, à l’occasion de la fête de la Saint-Jean-Baptiste de 1874 lors d’un sermon dans lequel il exhortait à reprendre le geste du premier gouverneur de Montréal.

Le projet était tombé dans l’oubli jusqu’à ce qu’il soit repris en 1924 par la SSJB-M. Mais, attention, la relance du projet s’inscrit dans un vaste projet d’affirmation patriotique et de résistance nationale. Il faut se remettre en mémoire que dans les années 20, nous sommes au Québec en pleine fièvre nationale pour ne pas dire nationaliste.

C’est la grande époque de Henri Bourassa et son nationalisme canadien, de Lionel Groulx et de son nationalisme typiquement canadien-français. À l’époque les différentes Sociétés Saint-Jean-Baptiste du Canada français et même des États-Unis en mènent large. Et particulièrement la Société Saint-Jean-Baptiste de Montréal sous la présidence de Victor Morin.

Nous vous avions déjà parlé de ce Victor Morin. C’est lui qui avait organisé la première célébration et première commémoration de la fondation de Montréal en 1917 avec au menu une messe suivie d’activités familiales dans tout le Vieux-Montréal, berceau historique de la fondation de Montréal.

De 1891 à 1930, une frénésie de commémoration pullulent ici et là dans tout l’Occident et particulièrement au Québec et à Montréal. C’est une époque de recherche de marqueurs identitaires. Tiens! Tiens! Comme les temps se ressemblent étrangement. Ici, à Montréal, les nobles élites tant francophones et qu’anglophones se disputent l’espace public. Mais les francophones marquent le coup.

En allant installer une croix métallique et illuminée sur un promontoire du Mont-Royal c’est une manière pour les Canadiens-français de prendre symboliquement possession d’un territoire historiquement associé à l’élite économique anglophone. Un peu à l’instar de Mgr Bourget au XIXè siècle qui suite à l’incendie de la cathédrale sise sur la rue Saint-Denis décide reconstruire la nouvelle cathédrale dans l’ouest de la ville, partie de la ville historiquement associé à l’élite anglophone. Sans oublier que depuis 1904, se trouve sur un autre versant de la montagne un petit oratoire dédié à Saint-Joseph dont une grande basilique émergera dans les décennies à venir. Et que dire de l’éventuelle installation de l’Université de Montréal.

En effet, depuis 1860 la ville de Montréal est redevenue majoritairement francophone et c’est pourquoi dans les premières décennies du XXè siècle des leaders nationalistes tels que Bourassa et le chanoine Groulx s’évertuent à secouer l’apathie atavique des canadiens-français. Nous sommes français et catholiques et cela doit se voir selon les ténors nationalistes.

C’est ainsi que l’installation d’une croix s’inscrira dans un vaste projet d’affirmation nationale dans une ambiance effervescente. D’abord, le tout commence en mai 1924 par la cession officiel par la Ville de Montréal, d’une portion du territoire de la montagne pour l’installation d’une grande croix. En juin, il y aura un grand congrès auquel participera Lionel Grouxl, et le 24 juin, précisément, il y aura une cérémonie de bénédiction de la pierre angulaire par Mgr Emmanuel-Alphonse Deschamps alors vicaire général du diocèse de Montréal le tout suivi d’un énorme défilé de la Saint-Jean à caractère historique et patriotique contenant pas moins de 24 chars allégoriques ayant pour thème « Ce que l’Amérique doit à la race française  » .

Rappelons tout de suite, pour ne pas heurter les frilosités des uns et des autres, qu’à l’époque le vocable race était utilisé en lieu et place des mots peuple ou nation et que l’un et l’autre s’équivalaient.

Il serait bon de spécifier que pour les organisateurs, l’installation de la croix sur la montagne ne se résume pas au geste accomplie par Maisonneuve. La croix de la montagne se veut aussi liée au geste de Jacques Cartier qui arrivant à Gaspé planta une croix au nom du roi de France. La plantation d’une croix est la réalité et la symbolisation d’une prise de possession d’un territoire à l’instar de la plantation d’un drapeau. N’en déplaise à nos amis autochtones. Tels étaient les us et coutumes de l’époque.

Alors, désormais, lorsque nous regarderons la croix du Mont-Royal, il faudra se remémorer tout cela afin de mieux comprendre tout ce qui se cache de sens et de significations dans cette croix métallique et illuminée de 1924. Il n’y a plus de Mgr Bourget, de Bourassa, de Groulx. Le Québec malgré ses grands succès est en panne. On doit se contenter de fonctionnaires et de notables de la chose politique et de la chose religieuse. Notre apathie atavique est à son comble. Ici, le nationalisme et le catholicisme sont des cadavres en sursis. Qui aura l’audace d’y insuffler le souffle de la résurrection? Excusez-m’en le pléonasme.

Malheureusement, pour terminer, je ne peux m’empêcher, et cela bien humblement et en toute fraternité, de réagir à un propos de Mgr Christian Lépine. Bien qu’il est toujours hasardeux de faire un commentaire sur un propos alors que l’on a qu’un extrait et qu’il peut être malhonnête d’en faire le procès. Je me risque quand même. Dans le topo rapporté par Radio-Canada, l’évêque de Montréal affirme péremptoirement que les gens de la colonie de Ville-Marie n’étaient pas venus pour établir une ville française mais plutôt une ville où les Français et les autochtones vivraient ensemble.

Il est vrai que le projet de la colonie de Ville-Marie est un projet privée d’une mission évangélique financée par Jérôme Le Royer de La Dauversière et par Pierre Chevrier, baron de Fancamp. Mais cela s’inscrit tout de même dans le processus de colonisation française du continent nord-américain. Les gens de la colonie de Ville-Marie, ils sont, et Français, et Catholiques. Le problème de la langue ne se pose pas à l’époque. La colonie de Ville-Marie est et sera implicitement française et catholique. Cela tombe sous le sens.

Alors pourquoi l’évêque de Montréal fait-il ce distinguo? Cette petite phrase n’est pas anodine d’autant plus que les caméras de Radio-Canada sont sur les lieux. Et puisqu’elle n’est pas anodine cela veut dire qu’il s’adresse à ses contemporains montréalais. L’évêque de Montréal exprime-t-il son malaise face à la revendication de Montréal ville française? Si oui, il doit s’en expliquer un peu plus. Sinon, pourquoi tenir un tel propos.

Peut-être s’est-il invité sans nécessairement le vouloir dans l’éternel débat linguistique auquel sont confrontés les francophones de Montréal que l’on n’ose plus appeler canadiens-français depuis qu’on est devenu au final Québécois? Qu’a cela ne tienne, qu’on se le cache ou non, la colonie de Ville-Marie et son projet d’évangélisation des Amérindiens était par définition une colonie française en terre d’Amérique et ce projet de nature privée parce que financé par des particuliers ne pouvait se faire que dans le cadre du processus des projets de colonisation des terres du Nouveau Monde par la France monarchique de l’époque.

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http://http://ici.radio-canada.ca/nouvelle/1076601/mont-royal-montreal-croix-375-anniversaire-paul-chomedey-maisonneuve

LE CONGRÈS EUCHARISTIQUE DE MONTRÉAL (1910): QUAND HENRI BOURASSA FAIT LA POLITESSE À MGR BOURNE

 

(Arche au coin des rues Cherrier et Saint-Hubert. 1910. Bibliothèque et Archives nationales du Québec/BAnQ. CP 5897.

(Grand’Messe en plein air du Congrès eucharistique. BAnQ. CP 5889)

(L’immense et majestueux Reposoir. Parc Jeanne-Mance. Congrès eucharistique de Montréal 1910. Dessin publié par le journal protestant Montreal Witness. Centre d’histoire de Montréal)

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Si dans nos livres d’histoire d’ici et dans nos revues savantes, l’on parle du congrès eucharistique de 1910, c’est moins pour ses processions de l’ostensoir que pour ce fameux discours de Henri Bourassa tenu le 10 septembre 1910 en réplique aux propos de Mgr Bourne, archevêque de Westminster (R.U.).

En ce début de XXè siècle,dans le Québec tricoté à la laine catholique et de mailles de langue française s’est tenu du 6 au 11 septembre 1910, le XXIè Congrès eucharistique international. C’était le premier tenu en sol américain. Presque une semaine de rassemblements, de célébrations eucharistiques, de processions d’ostensoir dans les rues de ville sans oublier les discours politiques à connotation religieuse et les sermons de toutes sortes.

Pourtant nos évêques n’avaient pas lésiné sur les moyens pour en faire une réussite et pour plaire aux différents convives et invités d’honneurs. En effet, le chanoine Georges Gauthier, alors curé de la Cathédrale, fut délégué pour accompagner Mgr Bourne pendant son parcours vers Montréal à bord du célèbre paquebot Empress of Ireland. Navire qui, comme on le sait, fit naufrage quelques années plus tard dans l’estuaire du Saint-Laurent le 29 mai 1914 tout près de Rimouski.

Pour mettre nos lecteurs et lectrices en contexte concernant la réception du discours de Mgr Bourne, il importe de dire que la plupart des évêques irlandais du Canada français de l’époque et particulièrement ceux de l’Ontario, qui avaient abandonné depuis belle lurette le gaëlique pour mieux embrasser la langue d’Angleterre et du pays de Galles, auraient bien trouvé avantageux que les Canadiens-français vivants sous l’Acte de l’Amérique du nord britannique fassent de même. L’on constatera la chose avec le Règlement 17 concernant le régime scolaire en Ontario (1912-1927)

Dans cette optique, sans pour autant vouloir, intentionnellement, conforter « nos » évêques irlandais ainsi que la minorité anglophone, l’Archevêque de Westminster au Royaume-Uni, Mgr Bourne, qui avait pris soin de visiter l’ouest canadien avant de se pointer un samedi soir 10 septembre 1910, à la basilique Notre-Dame eut le malheur de proposer, plus ou moins subtilement aux Canadiens-français, que le meilleur moyen de gagner les immigrants de l’époque et des générations futures à la foi catholique, aurait avantage à se faire dans la langue anglaise.

Si l’Église catholique veut gagner les immigrants cela ne s’accomplira qu’en faisant connaître à une grande partie du peuple canadien, dans les générations qui vont suivre, les mystères de notre foi par l’intermédiaire de notre langue anglaise.

C’était sans compter sur l’impétuosité mesurée de Henri Bourassa, fondateur et directeur du tout nouveau journal montréalais Le Devoir. En effet, le journaliste et homme politique, le moment venu, répliqua ce qui suit

La meilleure sauvegarde de la conservation de la foi chez trois millions de catholiques d’Amérique, le meilleur garant de cette foi, c’est la conservation de l’idiome dans lequel, pendant trois cents ans, ils ont adoré le Christ.

Il n’en fallut pas plus pour que l’assistance chiffrée au nombre de 15 000 personnes se lève d’un bond et se mit à crier et à applaudir à tout rompre.

Connu désormais sous le nom du « Discours de Bourassa », bien que l’on pourrait l’intituler plutôt « Réplique de Bourassa à Mgr Bourne » le texte fait partie de l’histoire des textes et discours incontournables pour connaître l’histoire d’un peuple.

Selon le chercheur Guy Laperrière, le Congrès eucharistique de 1910 est l’un des trois événements avec les funérailles du frère André en 1937 et la visite de Jean-Paul II en 1985 à Montréal ayant éveillé la ferveur religieuse de la société montréalaise.

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« ENCORE DEBOUTTE » L’ACADIE 413 ANS DÉJÀ (1604-2017)

(Le drapeau de l’Acadie. Le Tricolore de la France révolutionnaire et républicaine mais avec en plus une étoile jaune sur la bande bleu.)

(Carte de l’Acadie d’aujourd’hui. Société nationale de l’Acadie)

(Vue d’ensemble de la reconstitution de l’établissement de Port-Royal. Photo: l’abbé Marcel Lessard. 14/07/2017)

(Vue de l’intérieur de l’établissement de Port-Royal. Photo: l’abbé Marcel Lessard. 14/07/2017)

(Henry Wadsworth Longfellow. Buste. sculpteurs: Philippe et Henri Hébert. 1920. Grand-Pré. Photo: Dena Vassallo)

(Évangéline. Statue de bronze. 1920. Grand-Pré. Sculpteur: Philippe Hébert. Photo: Dena Vassallo)

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Les Acadiens et les Québécois ont une parenté lointaine. Nous partageons de glorieux aïeux en les personnes de Champlain, de Marc Lescarbot et du lieutenant général de Henri IV, Pierre Du Gua de Mons.

Pour beaucoup d’entre-nous, l’Acadie nous est connue par les chansons d’Édith Butler et d’Angèle Arsenault, par les prestations théâtrales de Viola Léger incarnant le personnage de la Sagouine, ainsi que des romans d’Antonine Maillet sans oublier la poésie de l’incontournable Herménégilde Chiasson. Quant à Zachary Richard, il nous a fait découvrir non seulement les Cajuns mais aussi le parler cajun!

Mais à vrai dire l’Acadie est un pays sans pays. Un pays sans État, sans frontière juridique. État de coeur plutôt qu’entité politique et juridique. L’Acadie c’est un concept géographique mais un concept vivant au coeur de chaque Acadien et de chaque Acadienne. L’Acadie c’est là où il y a un Acadien.

Il y a, bien sûr, l’Acadie des Maritimes ou l’Acadie de l’Atlantique à savoir les Acadiens du Nouveau-Brunswick, de la Nouvelle-Écosse, de l’Île-du- Prince-Edouard et un petit reste à Terre-Neuve-Labrador. Mais il y a aussi les Acadiens de la dispersion. Pensons à la Louisiane et à toutes les petites « Cadies » du Québec ou aux États-Unis voire même en France.

L’Acadie, «ceste terre de bénédictions», comme le disait en 1639 son gouverneur Isaac de Razilly dans une lettre à Marc Lescarbot, l’auteur et créateur du Théâtre de Neptune, fut aussi une terre au climat relativement hostile et ravageur d’hommes. En effet, c’est en juin 1604 que sous la direction de Du Gua de Mons qu’on procéda à une première tentative d’établissement en terre d’Amérique septentrionale sur l’île Sainte-Croix où sévit un hiver désastreux pour une bonne partie de l’équipage soit près de la moitié de ses hommes y sont passés à la trappe.

On déménagea les pénates du côté de Port-Royal dans la Nouvelle-Écosse d’aujourd’hui. Et pour briser la monotonie du grand « hivernement » et raviver l’esprit de la troupe, Samuel de Champlain, l’illustre second de Du Gua de Mons, fonda à Port-Royal, l’Ordre de Bon Temps pendant l’hiver 1606-1607.

Hélas! le territoire de l’Acadie représentait un lieu stratégique pour assurer la suprématie en terre d’Amérique septentrionale à l’un des deux empires coloniaux de l’époque qu’étaient la France et l’Angleterre. C’est ainsi que de 1604 à 1713, l’Acadie changea de mains à sept reprises.

De 1604 à 1755 donc sur 151 ans, l’Acadie de l’époque est sous juridiction anglaise pendant environ 80 ans donc plus de la moitié. Mais les choses se corsent de plus en plus pour la souveraineté française en terre d’Acadie. Finalement, en 1710, Port-Royal tombe définitivement aux mains des Britanniques et qui mènera au fameux traité d’Utrecht de 1713.

Un traité est un traité, il ne dure que le temps où l’un des belligérants décide de le transgresser. Entre 1713 et 1755, il y a toujours possibilité que la France récupère ses territoires perdus en Acadie. Les Acadiens sont toujours pris entre l’exigence d’un serment d’allégeance à la couronne britannique et un certain lien de parenté avec la France métropolitaine.

Mais il faut dire qu’au fil du temps et des générations, autour de 1750 les Acadiens se sentent beaucoup plus Acadiens que Français. À l’instar des Français de la Nouvelle-France qui sont petit à petit devenus Canadiens- Français et que les Anglais des colonies britanniques le long de la côte est se sont de plus en plus sentis Américains vers 1775-1776 que Britanniques, mis à part les Loyalistes, s’entend.

Mais entre le fameux serment d’allégeance et le soutien à la France reconquérante, l’ensemble des Acadiens de l’époque ont épousé le principe de neutralité entre les deux. C’était le début du ni-ni, qui en bout de ligne ne plaisait ni aux Français mais surtout ni aux Britanniques.

Bien qu’un projet de déportation soit dans les cartons de l’administration anglaise depuis 1720 ce n’est que vers 1755 que le choix s’impose définitivement afin d’assurer la sécurité militaire mais aussi pour effacer et éradiquer toute trace de présence française de l’Acadie et éventuellement de toute la Nouvelle-France et ainsi prendre possession du territoire. Ne pouvant plus tolérer les Neutrals French que sont les Acadiens, l’on procède à la Déportation massive des Acadiens. D’abord, ceux de la Nouvelle-Écosse suivi de ceux de l’Île Saint-Jean.

Mieux connu sous le nom du « Grand Dérangement », de 6 000 à 7 000 habitants sur 14 000 à 15 000 habitants sont dispersés entre les colonies anglaises du littoral est qui n’en veulent pas nécessairement. Ils sont souvent fait prisonniers. En 1758, 2 000 à 3 000 habitants sont expédiés en France.

Ne restant pas passifs, des Acadiens sauvent leur peau en se cachant ici et là, dans les forêts. Ils sont souvent aidés et protégés par les Mics Macs et les Etchemins qui sont plus favorables aux Français qu’aux Anglais. D’autres se réfugient au Canada (Nouvelle-France), à l’Île Saint-Jean, au cap Breton, dans les Antilles, sur la Baie-des-Chaleur sans oublier Saint-Pierre-et-Miquelon. Quant à la Louisiane, les Acadiens n’y furent pas déportés. Ce sont plutôt eux qui l’on rejoint en pensant y trouver un territoire français mais à cette période, la Louisiane appartenait aux Espagnols! C’est ainsi que les Acadiens de la Louisiane sont devenus des Cajuns.

Malgré les turpitudes et les aléas du temps, l’époque de la survivance a cédé le pas au temps de l’affirmation nationale acadienne. En 1881, à Memramcook, lors du premier Congrès national des Acadiens, il y avait sur la table, une proposition demandant que la fête nationale soit le jour de la Saint-Jean-Baptiste afin de favoriser un rapprochement avec les Canadien-Français de tout le Canada mais particulièrement de ceux du Québec.

Finalement, pour se singulariser mais aussi parce que les Acadiens se considéraient, en quelque sorte, comme une société distincte, tiens, tiens, les congressistes optent pour adosser leur fête nationale à une autre fête religieuse catholique à savoir l’Assomption de Marie. C’est ainsi que depuis ce temps, le 15 août de chaque année, l’on célèbre la Fête nationale des Acadiens des Maritimes, des Acadiens de la dispersion mais aussi des petites « Cadies » du Québec et des États-Unis d’Amérique.

En 1884, soit trois ans plus tard, lors du Congrès de Miscouche, les Acadiens par la voix des ses congressistes se donnent un drapeau national.  Le Tricolore, soit celui de la France révolutionnaire et républicaine ce que les Acadiens de l’époque ne sont point. Ils y fixent sur la bande bleue une étoile jaune or, le jaune papal pour y signifier leur attachement à l’Église catholique et souligner le rôle de l’Église dans la vie des Acadiens. L’étoile pour saluer la Vierge Marie, l’étoile de la mer. Puis, les délégués entonnent l’Ave Maris Stella qui devient officiellement l’hymne national des Acadiens et des Acadiennes.

Mais cette Acadie, à l’instar du Québec, est « tombée » dans la modernité dans les années soixante du siècle précédent. Elle reste tiraillée entre son passé et son possible destin. Si elle ne peut revendiquer un pays acadien qui s’étalerait sur trois voire quatre provinces de l’État canadien, l’Acadie d’aujourd’hui continue de reposer sur la force de ses réseaux associatifs tout en s’impliquant dans l’arène politico-politique, là où se trouve le vrai pouvoir politique.

Sa littérature, est évidemment plurielle, mais elle se berce ou se balance entre le traumatisme de la Déportation et la possibilité d’entrer, tout de même, dans la modernité des sociétés de démocraties libérales occidentales en voyant dans la Dispersion une manière diversifiée d’être Acadiens. Selon qu’on lise Michel Roy et L’Acadie perdue (1978/Québec-Amérique) ou des auteurs plus jeunes enjambant la tragédie du Grand Dérangement pour en faire le marche-pied d’une Acadie plus que survivante. Un peu comme l’essayiste Léonard Forest qui tente et expérimente La jointure du temps (1997/Perce-Neige) afin de pouvoir malgré tout concilier l’Acadie historique voire traditionnelle et l’Acadie contemporaine.

Comment ne pas parler du poème Évangéline de Henry Wadsworth Longfellow dont un buste se trouve à Grand-Pré, lieu devenu symbole des déportations grâce à cet écrit. Cette sculpture est l’oeuvre de Philippe et Henri Hébert. Elle fut dévoilée, en juillet 1920, par une lady britannique. Fallait le faire! Non mais, il faut avoir l’esprit visiblement tordu pour demander à une représentante du Conquérant de dévoiler le buste de l’auteur d’un poème si accablant pour ses « illustres » ancêtres comme Lawrence, Winslow et j’en passe. Ah! L’arrogance insouciante du conquérant! Dans un tel contexte, on ne se surprendra pas que les Acadiens ont boycotté la cérémonie.

Bon. Tout ce grand détour par l’histoire parce qu’en ce 15 août 2017, jour de Fête nationale et de Fête patronale de Notre-Dame-de-L’Assomption, la rédaction de VILLE-MARIE EXPRESS veut saluer nos cousins et cousines de l’Acadie. Ils sont de quatre années nos aînés. Comme nous, ils sont issus de la même tige. Lors des États généraux du Canada français (1966-1969), l’on a consacré et confirmé la fracture de celui-ci. Le Canada français s’est divisé en trois: l’Acadie, le Québec et l’ensemble des minorités francophones des autres provinces du Canada. Les trois vont leur destin comme ils peuvent mais les trois entités d’origine française se doivent de garder et de nourrir les liens de leur francité et de leur histoire peut importe le statut politique que pourrait choisir un jour le Québec.

Vive l’Acadie. Vive l’Acadie d’antan. Vive l’Acadie de 2017. Vive l’Acadie libre…dans un Canada uni!

P.S. Nous apprenions aujourd’hui même 15 août 2017 par ICI-RADIO-CANADA que la cathédrale Notre-Dame-de-L’Assomption (diocèse de Moncton) inaugurée en 1940 est officiellement désignée monument historique national par la Commission des lieux et monuments historiques du Canada.

«VIVE MONTRÉAL, VIVE LE QUÉBEC…VIVE LE QUÉBEC LIBRE» – CHARLES DE GAULLE. 24 JUILLET 1967.

(Le général de Gaulle au balcon de l’Hôtel de Ville de Montréal. À gauche, la tête entre deux gerbes de fleurs, le maire de Montréal de l’époque, Jean Drapeau. 1967. Photo: AFP)

(Le général de Gaulle avec vue sur la place Jacques-Cartier dans le Vieux-Montréal. 1967. Photo: Archives de Montréal)

(La Une du Journal de Montréal. 25 juillet 1967.)

(Carte de la Nouvelle-France. De la Baie d’Hudson au Golfe du Mexique en passant par l’Océan Atlantique, les Grands Lacs et le Mississipi. C’était tout cela la Nouvelle-France. En bleu sur la carte.)

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Que de fois pour un événement somme toute banal ou pour le moindre exploit, l’on en fait un événement dit historique. En fait, tout événement est par nature historique puisqu’il s’accomplit dans l’histoire mais un événement vraiment historique est, en quelque sorte, un moment qu’on nomme transhistorique. Cela pour dire que c’est un événement qui a non seulement un impact au moment où il se produit mais surtout qu’il continue d’exercer une certaine résonance après son accomplissement.

Les Allemands ont un mot pour signifier cette réalité transhistorique et dont la prononciation comme vous le constaterez est d’une simplicité rare, Wirkungsgeschichte. C’est en quelque sorte l’épaisseur, la profondeur que peut prendre une parole, un événement, voire même une oeuvre d’art à travers les couches de l’Histoire.

Tout ce grand détour, pour parler de ce 24 juillet de l’an de grâce 1967. Il s’en est passé des choses « historiques » en 1967. Qu’on nous fasse grâce de ne pas les nommer ici, vous n’avez qu’à suivre l’actualité.

Notre historien national, l’abbé Lionel Groulx venait tout juste de nous quittés en mai 1967 qu’arrive le général de Gaulle sous l’invitation du premier ministre du Québec Daniel Johnson que le président français appelait affectueusement « mon ami Johnsonnne »!

On a beaucoup péroré sur le fait de savoir si cette déclaration d’amour politique au Québec était improvisée, faite sous le coup de l’émotion ou quelque chose de bassement préméditée de la part de celui qui jadis c’était résolu à se délester de l’Algérie française.

Ce que l’on peut dire, c’est que son arrivée par bateau lui permettait de faire un accroc au protocole. S’il avait pris l’avion, il aurait été obligé de commencer sa visite par Ottawa, capitale, unilingue anglaise, dans un Canada bilingue, là où le nombre le justifie. « Notre » général était résolu à marquer cette visite sous le signe de la France qui se souvient qu’elle a une certaine dette envers ce qui fut jadis la Nouvelle-France.

Son parcours le long du Chemin du Roy en ce 24 juillet 1967 fut en quelque sorte son chemin de Damas avec les héritiers de l’Amérique française. L’enthousiasme des foules tout au long de son périple commencé à Québec pour se terminer en apothéose à Montréal semble avoir insuffler une émotion telle qu’on n’en peut imaginer au pays de Descartes et du cartésianisme.

Mais il est évident qu’en s’appropriant le slogan du mouvement indépendantiste du Québec, il savait sûrement, à sa manière, qu’il mettait le pied sur la ligne Maginot afin de franchir le Rubicon ce qui le mettrait en délicatesse avec le gouvernement canadien et qu’ainsi le sort des relations triangulaires Québec-France-Canada en était jeté « Alea jacta est  » comme disait l’autre.

De Gaulle est mort avant d’avoir terminé la rédaction de ses Mémoires nous privant ainsi de son explication et de son explicitation de cette journée mémorable du 24 juillet 1967. Mais en novembre 1967, il s’en est expliqué un peu dans une entrevue. En effet, lors de cette entrevue, il avait, entre autre chose, laissé entrevoir la possibilité d’un Québec pays souverain.

À l’époque, il est vrai qu’il a pu passer pour un malpoli de venir cracher, in situ, dans la soupe constitutionnelle canado-québécoise. Mais un certain devoir face à l’histoire exigeait de lui de jouer la ligne de risque. Il s’était souvenu qu’une bouture française avait été semée en terre d’Amérique plus de trois cents ans auparavant et qu’il était du devoir de l’ancienne mère-patrie de dire à ce peuple d’ascendance française «Je vous ai compris» . (À suivre).

LE MÉRITE DIOCÉSAIN IGNACE-BOURGET 2017

(LA VISITATION. Tableau. Scène biblique. Alessandro Bonvicino dit Il Moretto Da Brescia. XVIè siècle. École italienne)

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Comme à tous les ans, dans le cadre de la fête patronale du diocèse de Montréal, fête de La Visitation, l’Archevêque de Montréal profite de ce moment pour remercier soit une personne soit un organisme qui témoigne d’un dévouement, d’une générosité et d’un certain rayonnement dans notre diocèse.

Pour la petite histoire et par souci historique, rappelons que la médaille du Mérite diocésain Ignace-Bourget fut remise une première fois en 1979 par feu le cardinal Paul Grégoire, archevêque de Montréal de 1968 à 1990. Depuis ce temps, près de 300 personnes ou organismes ont été honorés.

En ce 31 mai 2017, soufflé par le 375è anniversaire de la fondation de Montréal, l’Archevêque de Montréal, Christian Lépine remettra la médaille du Mérite diocésain Ignace-Bourget à six organismes qui ont un lien particulier avec les origines de Montréal ou qui souligne un anniversaire de fondation.

Ainsi, la Compagnie de Jésus, les Religieuses hospitalières de Saint-Joseph, la Congrégation de Notre-Dame, la Compagnie des prêtres de Saint-Sulpice, la Société historique de Montréal et la Mission chinoise du Saint-Esprit seront les récipiendaires de cet honneur diocésain.

Le président de notre vaillante Société historique de Montréal, Monsieur Jean-Charles Déziel recevra au nom de la Société cette distinction honorable. La Société historique de Montréal a été fondée en 1858 par quatre personnes dont le premier maire de Montréal Jacques Viger. La rédaction de VILLE-MARIE EXPRESS est heureuse de rappeler à ses lecteurs et ses lectrices que notre premier article fut consacré justement à l’histoire de l’origine de la Société historique de Montréal suivi d’un deuxième article qui se voulait un résumé biographique de ce premier maire de Montréal que fut Jacques Viger.

Les membres de la Société historique de Montréal, (dont nous sommes), et, sur lesquelles rejaillit cet honneur se rendront sûrement nombreux à la Cathédrale Marie-Reine-du-Monde, située dans le secteur ouest de la ville par la volonté expresse de Mgr Ignace Bourget qui voulut planter en plein coeur du Montréal des Affaires et du Montréal protestant, un majestueux lieu de culte catholique qui serait la Reine des basiliques de l’Amérique du Nord.

Si vous voulez en savoir un peu plus sur la Société historique de Montréal et sur Jacques Viger vous pourrez consulter les deux articles que nous avons rédigés. Sélectionnez Archives mars 2015 pour le premier article et Archives avril 2015 pour le second.

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LIEN AVEC LES ARCHIVES

http://ville-marie-express.quebec/index.php/2015/03/

http://ville-marie-express.quebec/index.php/2015/04/

LIEN UTILE

https://www.societehistoriquedemontreal.org/