(Le Penseur. Bronze d’Auguste Rodin (1840-1917). 1882. Cour de justice de l’Union européenne, Luxembourg.)
(Le Cri. Edvard Munch. Peinture. Oeuvre impressionniste. 1893. L’une des cinq versions.)
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Par définition et en lien avec la mission que nous nous sommes donnée, il nous arrive occasionnellement, d’écrire un texte en mode éditorial qui est évidemment relié à un événement historique concernant Montréal ou tout simplement à l’actualité montréalaise en lien avec l’histoire.
Notre lectorat nous permettra de dévier un tant soit peu à cette ligne éditoriale afin d’aborder une question de société, ou plus précisément à une question ayant trait au vivre ensemble. Mais puisqu’il s’agit d’une question qui est révélatrice de la vie contemporaine de la société montréalaise mais surtout de la société québécoise dans son ensemble, nous pensons que notre propos est de mise. À tout le moins, on se sera positionné sur notre manière de concevoir nos rapports collectifs. Ainsi comme on dit en philosophie politique, vous saurez encore plus et mieux d’où l’on parle.
Certains Québécois, et certains plus que d’autres, aiment nous introduire dans des psycho-drames qu’une société mature devrait se passer. Cela dit, il nous est loisible et permis de soulever certaines questions sur la manière dont les pouvoirs publics gèrent ses dossiers et orientent incidemment l’opinion publique.
Nous ne reprendrons pas tout ce qui s’est dit et écrit sur toutes les plate-forme à propos de cette arrivée que l’on dit massive des migrants venants de notre voisin de frontière qu’est les États-Unis d’Amérique. Frontière qui s’étend sur 6 414 km mis à part celle séparant le Canada de l’Alaska (2 472 km). Quant à la frontière, Québec-USA, l’on parle à peine de 813 km. Pas de quoi faire un mur! Nous soulèverons plutôt les écueils et les dangers à éviter avant, pendant et après la discussion publique. Nous disons bien discussion publique. Les Grecs de l’Antiquité usaient du terme de délibération, confrontation suivie d’une décision, inhérent à la chose publique, la res publica romaine.
Doit-on rappeler que pour le meilleur et pour le pire, au Québec, comme dans une quarantaine de pays de la planète nous vivons dans une démocratie libérale avec tous les défauts que ce genre de gouvernance comporte. Mais si l’on veut mieux comme modèle de démocratie « libérale », l’on peut toujours tenter de refaire sa vie ou de demander un permis de travail temporaire ou un permis de séjour au Vénézuéla de Maduro, à la Turquie d’Erdogan, à la Russie de Poutine, à la Chine de Xi Jinping, ai-je besoin dans rajouter?
Une des caractéristiques des démocraties libérales mise à part la séparation des trois pouvoirs, c’est le parlementarisme. Le mot le dit bien, c’est le règne de la « parole » qui parle. À défaut de se battre avec des armes destructrices, nous avons opté plutôt pour l’art de parler, c’est-à-dire, prendre le temps de s’expliquer afin de régler nos différends. Malgré que l’on sache, qu’à sa manière, la prise de parole puisse être puissamment destructrice, c’est ce que l’homme a trouvé de mieux et de moins sanglant comme alternative.
C’est pourquoi dans un premier temps, l’on convie nos hommes et femmes politiques à mesurer et soupeser leur parole. Commençons d’abord par ceux qui font office d’Opposition à Sa Majesté (régime de monarchie constitutionnelle oblige). Ils ont le droit et le devoir de poser des questions sur la manière de faire du gouvernement mais la façon dont ils posent leurs questions doit éviter les sous-entendus qui permettraient d’ouvrir un boulevard aux intolérants ou aux individus insécures. Quoiqu’il faut être beaux joueurs et reconnaître que les intolérants ou les gens qui sont allergiques à ce qui ne leur ressemble pas ont le droit de s’exprimer publiquement dans les limites de la loi et de l’ordre public comme prescrit en démocratie.
En ce qui concerne les gouvernements du Canada et du Québec, dans le cas du premier, il doit faire attention à ne pas vendre des illusions passagères alors qu’au second, on lui demande d’éviter de donner des leçons d’une manière hautaine quoiqu’il puisse avoir raison sur le fond. Il se doit de prendre le temps de justifier sa façon de faire afin que lui-même, à sa manière ne souffle pas sur les braises de l’intolérance et attise bien malgré lui le feu des passions irrationnelles.
Quant à nous qui sommes le peuple souverain, nous devons nous comporter justement comme un peuple souverain et prendre le temps de faire la part des choses. Dans l’Affaire des migrants de notre été 2017, migrants d’origine haïtienne dans sa vaste majorité, s’entremêle, insidieusement, à cause du projet de loi sur la laïcité, la question non encore réglée de nos rapports avec les Algériens, les Marocains et les Tunisiens pour ne nommer que ceux-là qu’on n’arrête jamais de nous présenter presqu’exclusivement comme des musulmans. Les récents événements à Québec, bien que très circonscrits, ont de quoi donner la nausée.
Sans oublier, le rassemblement de ce qu’on appelle une extrême-droite qu’est venu combattre les valeureux chevaliers cagoulés de l’extrême-gauche afin de montrer son attachement à la démocratie libérale! Cette extrême-gauche (vraisemblablement montréalaise) qui se donne le rôle de police des moeurs, une sorte de Tchéka (police secrète russe imposant la Terreur rouge pendant l’ère soviétique) envers les malotrus racistes (Terreur blanche!) de la ville de Québec et ses environs. À vrai dire, il ne faut pas avoir connu ce qu’est vraiment une extrême-droite et une extrême-gauche pour les nommer ainsi.
Un petit voyage dans l’Italie fasciste de Mussolini (1922-1945), dans l’Allemagne fasciste hitlérienne (1933-1945) sans oublier dans la Russie bolchévique et soviétique de Lénine (1917-1989) et de la Tchéka, nous permettrait de remettre les pendules à l’heure et de dégonfler les baudruches médiatiques qui donnent l’impression que le Québec en son entier est sur le point d’accoucher d’une guerre civile entre l’ultra-gauche et l’ultra-droite.
Revenons à nos migrants de la frontière sud qui s’adonnent à être des Haïtiens pour la vaste majorité dont on sait qu’ils peuvent non seulement compter sur notre aide institutionnelle mais aussi sur le réseau d’entraide haïtien bien implanté à Montréal. Même si le premier ministre du gouvernement fédéral dans sa générosité proverbiale et surtout pour moquer le président d’une grande nation a fait savoir à tous les damnées de la terre que le Canada organisait pour l’été 2017 des Journée Portes ouvertes, il semble que si l’on se fie aux statistiques d’Immigration Canada près de 50% de ces migrants qui se sont pointés ici risque de vivre, plus tôt que tard, une Journée Portes tournantes!
Pour parler plus particulièrement du chef du parti du vaisseau amiral des indépendantistes, même si de l’autre côté de notre frontière là où au Texas et en Louisiane, dans les lieux d’accueil, l’on appelle « invités », les déplacés temporaires victimes de l’ouragan Harvey, afin de leur éviter tout sentiment d’humiliation, il ne peut en être de même ici dans le cas de cette migration soudaine.
En effet, sous couvert de faire de l’ironie politique envers le chef du gouvernement libéral d’Ottawa, le chef de l’Opposition à Québec, par ses propos, risque de faire preuve d’insensibilité envers des gens en situation difficile. Ce n’est pas à l’avantage de qui que ce soit mais surtout cela risque de creuser encore un peu plus le fossé entre ce qu’on appelle le « eux » et le « nous » du Québec.
Qu’est-ce à dire? Le Canada et par conséquent le Québec sont signataires de chartes de droits et libertés, d’ententes internationales de toutes sortes, de pacte de droits sociaux qui en font des démocraties libérales exemplaires malgré tout et qui par définition ont des obligations à respecter. L’accueil de ces demandeurs d’asile malgré l’emprunt d’une voie irrégulière c’est ce qu’on appelle tenir parole face à nos obligations. Cela peut évidemment exiger de nous un certain dérangement dans notre confort et occasionner une certaine dépense imprévue. Mais qu’on ne vienne pas nous faire croire que pour habiller Paul on déshabille Pierre pour inverser la locution proverbiale*.
Nous faire croire, particulièrement sur les réseaux sociaux, voire plutôt asociaux, qu’on a déjà assez de nos pauvres et de nos itinérants qui grèvent le budget de l’aide de dernier recours c’est tenter malicieusement de hiérarchiser les situations pénibles de tout un chacun vivant déjà ici ou s’apprêtant peut-être à y vivre.
De plus, en tout respect, nous serions curieux de savoir si ces mêmes individus qui tout d’un coup pensent à nos pauvres et à nos itinérants sans oublier nos vieux en CHSLD au prise avec les pommes de terre en poudre et l’unique bain possible par semaine, ne sont pas les mêmes qui parfois voire souvent nous tiennent des discours intempestifs sur les chômeurs, les sociaux-assistés en permanence de l’État et les artistes subventionnés.
Alors, comment conclure. Non, il n’y a pas péril en la demeure. Un peuple mature et souverain dans son être national, dans sa fibre citoyenne et dans sa mémoire catholique (universelle) n’a pas à se sentir assiégé dans son budget et dans son identité par une petite crise de migration soudaine venant de la frontière sud. On en a vu d’autres. Elle exige d’être gérée avec doigté et humanité et cela sans naïveté de notre part. Car on aura beau dire que ces gens qui viennent d’ailleurs, viennent prendre « nos » emplois, il faut savoir qu’ils ne viennent prendre que les emplois pénibles que nous ne voulons plus. Parlez-en à nos agriculteurs!
P.S. Un peu plus haut dans notre texte, nous parlions du fascisme. Nous aimerions ajouter que ce qui fait le lit du fascisme c’est moins les démonstrations de rue que notre manière de critiquer nos démocraties libérales et leurs insuffisances. À force d’entendre, « Tous pourris », « Tous pareils » , « Tous corrompus », on met, sournoisement, la table pour le possible avènement de gens qui vont vouloir instaurer ce qui s’appelle « La loi et l’ordre ». En version ultra-gauche ou en version ultra-droite ça s’appellera toujours « La loi et l’ordre » que nous le voulions ou non. Et « La loi et l’ordre » qu’elle soit appliquée par l’un ou l’autre des extrêmes politiques, au final c’est la Raison d’État qui prédomine sur l’individu. Parlez-en à Nicolas Machiavel.
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* « Déshabiller saint Pierre pour habiller saint Paul ». (Locution complète et habituelle).