(Le drapeau de l’Acadie. Le Tricolore de la France révolutionnaire et républicaine mais avec en plus une étoile jaune sur la bande bleu.)
(Carte de l’Acadie d’aujourd’hui. Société nationale de l’Acadie)
(Vue d’ensemble de la reconstitution de l’établissement de Port-Royal. Photo: l’abbé Marcel Lessard. 14/07/2017)
(Vue de l’intérieur de l’établissement de Port-Royal. Photo: l’abbé Marcel Lessard. 14/07/2017)
(Henry Wadsworth Longfellow. Buste. sculpteurs: Philippe et Henri Hébert. 1920. Grand-Pré. Photo: Dena Vassallo)
(Évangéline. Statue de bronze. 1920. Grand-Pré. Sculpteur: Philippe Hébert. Photo: Dena Vassallo)
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Les Acadiens et les Québécois ont une parenté lointaine. Nous partageons de glorieux aïeux en les personnes de Champlain, de Marc Lescarbot et du lieutenant général de Henri IV, Pierre Du Gua de Mons.
Pour beaucoup d’entre-nous, l’Acadie nous est connue par les chansons d’Édith Butler et d’Angèle Arsenault, par les prestations théâtrales de Viola Léger incarnant le personnage de la Sagouine, ainsi que des romans d’Antonine Maillet sans oublier la poésie de l’incontournable Herménégilde Chiasson. Quant à Zachary Richard, il nous a fait découvrir non seulement les Cajuns mais aussi le parler cajun!
Mais à vrai dire l’Acadie est un pays sans pays. Un pays sans État, sans frontière juridique. État de coeur plutôt qu’entité politique et juridique. L’Acadie c’est un concept géographique mais un concept vivant au coeur de chaque Acadien et de chaque Acadienne. L’Acadie c’est là où il y a un Acadien.
Il y a, bien sûr, l’Acadie des Maritimes ou l’Acadie de l’Atlantique à savoir les Acadiens du Nouveau-Brunswick, de la Nouvelle-Écosse, de l’Île-du- Prince-Edouard et un petit reste à Terre-Neuve-Labrador. Mais il y a aussi les Acadiens de la dispersion. Pensons à la Louisiane et à toutes les petites « Cadies » du Québec ou aux États-Unis voire même en France.
L’Acadie, «ceste terre de bénédictions», comme le disait en 1639 son gouverneur Isaac de Razilly dans une lettre à Marc Lescarbot, l’auteur et créateur du Théâtre de Neptune, fut aussi une terre au climat relativement hostile et ravageur d’hommes. En effet, c’est en juin 1604 que sous la direction de Du Gua de Mons qu’on procéda à une première tentative d’établissement en terre d’Amérique septentrionale sur l’île Sainte-Croix où sévit un hiver désastreux pour une bonne partie de l’équipage soit près de la moitié de ses hommes y sont passés à la trappe.
On déménagea les pénates du côté de Port-Royal dans la Nouvelle-Écosse d’aujourd’hui. Et pour briser la monotonie du grand « hivernement » et raviver l’esprit de la troupe, Samuel de Champlain, l’illustre second de Du Gua de Mons, fonda à Port-Royal, l’Ordre de Bon Temps pendant l’hiver 1606-1607.
Hélas! le territoire de l’Acadie représentait un lieu stratégique pour assurer la suprématie en terre d’Amérique septentrionale à l’un des deux empires coloniaux de l’époque qu’étaient la France et l’Angleterre. C’est ainsi que de 1604 à 1713, l’Acadie changea de mains à sept reprises.
De 1604 à 1755 donc sur 151 ans, l’Acadie de l’époque est sous juridiction anglaise pendant environ 80 ans donc plus de la moitié. Mais les choses se corsent de plus en plus pour la souveraineté française en terre d’Acadie. Finalement, en 1710, Port-Royal tombe définitivement aux mains des Britanniques et qui mènera au fameux traité d’Utrecht de 1713.
Un traité est un traité, il ne dure que le temps où l’un des belligérants décide de le transgresser. Entre 1713 et 1755, il y a toujours possibilité que la France récupère ses territoires perdus en Acadie. Les Acadiens sont toujours pris entre l’exigence d’un serment d’allégeance à la couronne britannique et un certain lien de parenté avec la France métropolitaine.
Mais il faut dire qu’au fil du temps et des générations, autour de 1750 les Acadiens se sentent beaucoup plus Acadiens que Français. À l’instar des Français de la Nouvelle-France qui sont petit à petit devenus Canadiens- Français et que les Anglais des colonies britanniques le long de la côte est se sont de plus en plus sentis Américains vers 1775-1776 que Britanniques, mis à part les Loyalistes, s’entend.
Mais entre le fameux serment d’allégeance et le soutien à la France reconquérante, l’ensemble des Acadiens de l’époque ont épousé le principe de neutralité entre les deux. C’était le début du ni-ni, qui en bout de ligne ne plaisait ni aux Français mais surtout ni aux Britanniques.
Bien qu’un projet de déportation soit dans les cartons de l’administration anglaise depuis 1720 ce n’est que vers 1755 que le choix s’impose définitivement afin d’assurer la sécurité militaire mais aussi pour effacer et éradiquer toute trace de présence française de l’Acadie et éventuellement de toute la Nouvelle-France et ainsi prendre possession du territoire. Ne pouvant plus tolérer les Neutrals French que sont les Acadiens, l’on procède à la Déportation massive des Acadiens. D’abord, ceux de la Nouvelle-Écosse suivi de ceux de l’Île Saint-Jean.
Mieux connu sous le nom du « Grand Dérangement », de 6 000 à 7 000 habitants sur 14 000 à 15 000 habitants sont dispersés entre les colonies anglaises du littoral est qui n’en veulent pas nécessairement. Ils sont souvent fait prisonniers. En 1758, 2 000 à 3 000 habitants sont expédiés en France.
Ne restant pas passifs, des Acadiens sauvent leur peau en se cachant ici et là, dans les forêts. Ils sont souvent aidés et protégés par les Mics Macs et les Etchemins qui sont plus favorables aux Français qu’aux Anglais. D’autres se réfugient au Canada (Nouvelle-France), à l’Île Saint-Jean, au cap Breton, dans les Antilles, sur la Baie-des-Chaleur sans oublier Saint-Pierre-et-Miquelon. Quant à la Louisiane, les Acadiens n’y furent pas déportés. Ce sont plutôt eux qui l’on rejoint en pensant y trouver un territoire français mais à cette période, la Louisiane appartenait aux Espagnols! C’est ainsi que les Acadiens de la Louisiane sont devenus des Cajuns.
Malgré les turpitudes et les aléas du temps, l’époque de la survivance a cédé le pas au temps de l’affirmation nationale acadienne. En 1881, à Memramcook, lors du premier Congrès national des Acadiens, il y avait sur la table, une proposition demandant que la fête nationale soit le jour de la Saint-Jean-Baptiste afin de favoriser un rapprochement avec les Canadien-Français de tout le Canada mais particulièrement de ceux du Québec.
Finalement, pour se singulariser mais aussi parce que les Acadiens se considéraient, en quelque sorte, comme une société distincte, tiens, tiens, les congressistes optent pour adosser leur fête nationale à une autre fête religieuse catholique à savoir l’Assomption de Marie. C’est ainsi que depuis ce temps, le 15 août de chaque année, l’on célèbre la Fête nationale des Acadiens des Maritimes, des Acadiens de la dispersion mais aussi des petites « Cadies » du Québec et des États-Unis d’Amérique.
En 1884, soit trois ans plus tard, lors du Congrès de Miscouche, les Acadiens par la voix des ses congressistes se donnent un drapeau national. Le Tricolore, soit celui de la France révolutionnaire et républicaine ce que les Acadiens de l’époque ne sont point. Ils y fixent sur la bande bleue une étoile jaune or, le jaune papal pour y signifier leur attachement à l’Église catholique et souligner le rôle de l’Église dans la vie des Acadiens. L’étoile pour saluer la Vierge Marie, l’étoile de la mer. Puis, les délégués entonnent l’Ave Maris Stella qui devient officiellement l’hymne national des Acadiens et des Acadiennes.
Mais cette Acadie, à l’instar du Québec, est « tombée » dans la modernité dans les années soixante du siècle précédent. Elle reste tiraillée entre son passé et son possible destin. Si elle ne peut revendiquer un pays acadien qui s’étalerait sur trois voire quatre provinces de l’État canadien, l’Acadie d’aujourd’hui continue de reposer sur la force de ses réseaux associatifs tout en s’impliquant dans l’arène politico-politique, là où se trouve le vrai pouvoir politique.
Sa littérature, est évidemment plurielle, mais elle se berce ou se balance entre le traumatisme de la Déportation et la possibilité d’entrer, tout de même, dans la modernité des sociétés de démocraties libérales occidentales en voyant dans la Dispersion une manière diversifiée d’être Acadiens. Selon qu’on lise Michel Roy et L’Acadie perdue (1978/Québec-Amérique) ou des auteurs plus jeunes enjambant la tragédie du Grand Dérangement pour en faire le marche-pied d’une Acadie plus que survivante. Un peu comme l’essayiste Léonard Forest qui tente et expérimente La jointure du temps (1997/Perce-Neige) afin de pouvoir malgré tout concilier l’Acadie historique voire traditionnelle et l’Acadie contemporaine.
Comment ne pas parler du poème Évangéline de Henry Wadsworth Longfellow dont un buste se trouve à Grand-Pré, lieu devenu symbole des déportations grâce à cet écrit. Cette sculpture est l’oeuvre de Philippe et Henri Hébert. Elle fut dévoilée, en juillet 1920, par une lady britannique. Fallait le faire! Non mais, il faut avoir l’esprit visiblement tordu pour demander à une représentante du Conquérant de dévoiler le buste de l’auteur d’un poème si accablant pour ses « illustres » ancêtres comme Lawrence, Winslow et j’en passe. Ah! L’arrogance insouciante du conquérant! Dans un tel contexte, on ne se surprendra pas que les Acadiens ont boycotté la cérémonie.
Bon. Tout ce grand détour par l’histoire parce qu’en ce 15 août 2017, jour de Fête nationale et de Fête patronale de Notre-Dame-de-L’Assomption, la rédaction de VILLE-MARIE EXPRESS veut saluer nos cousins et cousines de l’Acadie. Ils sont de quatre années nos aînés. Comme nous, ils sont issus de la même tige. Lors des États généraux du Canada français (1966-1969), l’on a consacré et confirmé la fracture de celui-ci. Le Canada français s’est divisé en trois: l’Acadie, le Québec et l’ensemble des minorités francophones des autres provinces du Canada. Les trois vont leur destin comme ils peuvent mais les trois entités d’origine française se doivent de garder et de nourrir les liens de leur francité et de leur histoire peut importe le statut politique que pourrait choisir un jour le Québec.
Vive l’Acadie. Vive l’Acadie d’antan. Vive l’Acadie de 2017. Vive l’Acadie libre…dans un Canada uni!
P.S. Nous apprenions aujourd’hui même 15 août 2017 par ICI-RADIO-CANADA que la cathédrale Notre-Dame-de-L’Assomption (diocèse de Moncton) inaugurée en 1940 est officiellement désignée monument historique national par la Commission des lieux et monuments historiques du Canada.