UNE MARGUERITE EN TERRE DE VILLE-MARIE

(Sculpture « Hommage à Marguerite Bourgeoys ». Sculpteur et modeleur: Jules Lasalle. 1988. Photo: Pierre Obendrauf. Montreal Gazette. 14.04.2020)

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La rédaction de VILLE-MARIE EXPRESS est heureuse d’accueillir dans ses pages un texte d’un vieil ami du rédacteur en chef, en la personne de l’abbé Marcel Lessard. L’abbé Lessard est titulaire d’une maîtrise en théologie. Depuis janvier 2020, il est doctorant en histoire à l’UQÀM. L’abbé Lessard n’a pas nécessairement d’affiliation qu’on lui connaisse avec l’abbé Henri Brémond pas plus qu’avec notre chanoine Lionel Groulx mais il fait partie de ses rares prêtres qui savent allier une vie spirituelle avec une vie intellectuelle toujours en renouvellement. Il nous offre un court texte portant sur Marguerite Bourgeoys qui navigue entre histoire, hagiographie et poésie. Bonne lecture!

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C’était ce dimanche venteux et glacial du 12 janvier dernier, nous nous rendions à la petite chapelle de Notre-Dame-de-Bon-Secours dans le Vieux-Montréal. Le mauvais temps nous empêchait de remplir l’église. Nous allions entourer Mgr Lépine pour célébrer la fête de sainte Marguerite Bourgeoys qui coïncidait cette année avec la fête du Baptême du Seigneur. Belle coïncidence pour souligner les vertus et la mission de celle qui a donné toute sa vie en réponse aux engagements de son baptême. La célébration de l’Eucharistie fut sobre et combien signifiante, presqu’intime pour les « filles séculières » de la Congrégation Notre-Dame.

Nous inaugurions à cette occasion l’ Année Marguerite Bourgeoys pour nous rappeler le 400è anniversaire de sa naissance. Née le 17 avril 1620, un Vendredi-Saint, elle fut baptisée le Dimanche de Pâques suivant à l’église Saint-Jean-du-Marché. C’était fête dans la famille Bourgeoys pour accueillir cette enfant, la septième dans cette famille de treize enfants. Le papa Abraham était marchand et fabricant de cierges et de bougies. La petite fille a joué et grandi à l’ombre du chevet de son église paroissiale dans le faubourg de Troyes, en Champagne. Ses jeux d’enfant sont déjà empreints de délicatesse et d’attention envers ses compagnes. Se préoccuper des autres et organiser les rencontres joyeuses étaient déjà ses traits de caractère.

Voilà que devenue jeune fille, elle se lie d’amitié avec demoiselle Louise Chomedey et commence à participer aux activités des filles de la Congrégation de Notre-Dame nouvellement établie à Troyes. Lors d’une procession en la fête du Rosaire au couvent des Jacobins, elle est frappée par la beauté d’une statue de Marie qui semble lui sourire. Cette émotion ressentie dans son âme ne demeure pas sensiblerie passagère mais vient la bouleverser et l’interpeller. Cette beauté de Marie l’entraîne à vouloir changer de vie pour vivre désormais à la manière de celle qui «méditait toutes ces choses dans son coeur». Sa piété et ses dévotions sont intégrées dans une vie spirituelle déjà éveillée par la grâce du Baptême. Au cours de ces années de discernement, la jeune femme dans la vingtaine sent un appel pressant de fonder un regroupement de femmes et d’aller en mission. Sa dévotion mariale prend un élan aux allures missionnaires. Dans l’église paroissiale voisine, elle va souvent prier devant une statue qui représente la rencontre de Marie et de sa cousine Élizabeth. (J’ai vu cette statue fort jolie et inspirante!). Une joie rayonne de cette Visitation de Marie à Élizabeth, deux femmes porteuses du mystère de notre salut, le Précurseur et le Sauveur. La jeune fille devenue féconde est accueille par sa cousine âgée qu’on disait stérile; et, les deux, s’embrassent de joie! Cette scène de la Visitation inspire Marguerite. Ce sera Marie « voyagère » qui guidera désormais ses pas dans une aventure extraordinaire.

Une rencontre avec le frère de son amie Louise Chomedey sera l’occasion inattendue de mettre en oeuvre sa mission. En effet, Paul Chomedey rend visite à sa soeur et va régler des affaires de famille dans sa ville natale de Neuville-sur-Vanne. Il a fondé, onze ans plus tôt, une petite communauté appelée Ville-Marie sur l’île de Montréal. Le nom de cette communauté manifeste déjà la dévotion mariale qui l’anime. Marguerite sent que Marie « voyagère » va l’entraîner en mission dans le Nouveau Monde… C’est en 1653, elle a alors 33 ans… Aux moments de certaines hésitations, elle entend Marie la rassurer: « Va, je ne t’abandonnerai pas…! »

Nous allons la suivre bientôt sur les traces qu’elle a laissées dans les forêts et les neiges de la Nouvelle-France. D’ici ce prochain rendez-vous, il y aura la Messe Solennelle du 378è anniversaire de Montréal qui sera aussi présidée par notre Archevêque, le dimanche 17 mai 2020 à 11h00. Cette fête de Montréal s’inscrira aussi dans les festivités de l’ «Année Marguerite Bourgeoys». À vos agendas! c’est une visitation à ne pas manquer.