(Page couverture du livre Histoire du Montréal de François Dollier de Casson. Nouvelle édition critique par Marcel Trudel et Marie Baboyant)
(Portrait de François Dollier de Casson 1681)
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Les célébrations d’un 375è anniversaire de la fondation d’une ville qui a participé à l’émergence d’un peuple doit être l’occasion de se permettre quelques petites « fantaisies » qui pourraient venir bousculer notre confort et notre indifférence.
Voici pourquoi, la rédaction de VILLE-MARIE EXPRESS émet certains souhaits que certaines personnes en poste de responsabilités pourraient voir à mettre en oeuvre. On apprend, incidemment, que le diocèse de Montréal vient, enfin, de procéder à la nomination d’un coordonnateur des projets diocésains en lien avec le 375è anniversaire de la fondation de Montréal en la personne de Monsieur Charles Langlois, p.s.s. Mis à part les activités protocolaires, conventionnelles et liturgiques, nous avons hâte de savoir qu’elles sont au juste les projets diocésains prévus au programme. D’autant plus que par cette nomination tardive, nos éminences diocésaines donnent l’impression de découvrir, tout à coup, le 375è de Montréal. Comme si le colloque sur Jérôme Le Royer de La Dauversière tenu à La Flèche et au diocèse du Mans (8-9 avril 2016) n’avait pas existé. Comme si la Société historique de Montréal et Ville-Marie Express n’était pas aux aguets et en contact avec nos amis Fléchois. Je pense à M. Jean Petit et son épouse Nicole, M. Christophe Maillet, M. François Cléret, curé de la paroisse Saint-Thomas de La Flèche , Mmes Jeanine Blanche, r.h.s.j., et Armande Nicole, r.h.s.j. . Michel Boissinot. Sans oublier M. Jean-Paul Pizelle de Langres (Jeanne Mance), Mme Marie-Claire Feisthauer et M. Claude Feisthauer (Langres) et M. Jacques Cousin de Neuville-sur-Vanne (Maisonneuve). Qu’on nous permette de se demander ce qu’il y aura à coordonner. M’enfin comme disait Gaston Lagaffe.
Pour revenir à nos doléances, d’abord deux documents d’archives mériteraient d’être rapatriés temporairement à Montréal en 2017 concernent étroitement les origines de Montréal. Le premier est un brouillon corrigé et annoté, rédigé de la main même de Jérôme le Royer, donc un olographe, si l’on se fie à dom Guy-Marie Oury. Ce brouillon c’est le Dessein des Associés de Montréal, il se trouve aux Archives du Séminaire Saint-Sulpice à Paris.
Le deuxième document d’archive s’intitule Histoire du Montréal de François Dollier de Casson (1672) qui est, en quelque sorte, la première rédaction d’une histoire de Ville-Marie. Une photocopie du manuscrit original serait conservée à la bibliothèque Mazarine de Paris (Marie Baboyant et Marcel Trudel) tandis que selon les dires de dom Guy-Marie Oury, l’original se trouverait à la bibliothèque du séminaire de Saint-Sulpice à Paris.
Dans un tout autre ordre d’idée, nous avons mis la main sur une pièce de théâtre écrite par la romancière Laure Conan (1845-1924) intitulée Aux jours de Maisonneuve. Ce drame historique en cinq actes est une adaptation pour le théâtre de son roman l’Oublié, ouvrage littéraire couronné par l’Académie française en 1903 (prix Montyon).
Le roman comme la pièce raconte par l’entremise de l’imagination de l’auteure les amours du sergent-major Lambert Closse, l’un des hommes les plus appréciés de la jeune colonie, et d’Élizabeth Moyen autour des années 1660. Gravitent autours des deux principaux personnages, Maisonneuve, Jeanne Mance, Marguerite Bourgeoys, Monsieur de Queylus, Dollard et ses compagnons, M. et Mme D’Ailleboust.
La pièce fut créée le 21 mars 1921, par une troupe d’amateurs sur la scène du Monument national à Montréal. Malheureusement, la pièce n’a pas eu la même appréciation que le roman. Qu’importe, rares sinon inexistantes sont les oeuvres théâtrales québécoises mettant en scène l’époque de la colonie de Ville-Marie. Alors il serait à souhaiter qu’une troupe semi-professionnelle voire même professionnelle permettent aux Montréalais d’aujourd’hui de la voir et de l’apprécier.
L’an dernier, le 25 mai, plus précisément, le conseiller municipal de Marie-Victorin, Guillaume Lavoie dans un texte publié dans Le Devoir intitulé « Qu’en est-il de la dimension historique? » s’alarmait avec d’autres du peu de présence de l’histoire dans les activités du 375è.
À l’époque, nous avons eu un rendez-vous manqué avec M. Lavoie pour une proposition de projet. Nous tenterons sous peu une relance. Notre proposition concerne le Jardin botanique de Montréal. Pourrait-il être possible que cet espace vert porte le nom de Jardin botanique Marie-Victorin. Puisqu’il existe un Planétarium Rio Tinto Alcan sur le même lieu, il nous semble que l’ajout du nom du fondateur de ce Jardin soit dans l’ordre du possible et du souhaitable.
Le fameux vitrail de Jérôme Le Royer que l’on trouve et voit par hasard en se promenant sur les Cours Le Royer mériterait ne serait-ce que pendant l’année du 375è d’être pourvu d’un éclairage artificiel lorsque le soleil nous fait défaut que ce soit le jour ou la nuit. On objectera que puisque c’est un vitrail, il est à la merci du soleil. Qu’à cela ne tienne, un éclairage artificiel lui donnerait du lustre de jour comme de nuit surtout en ce 375è.
Je ne peux terminer cet éditorial rédigé en deux parties sans justifier un tant soit peu son intitulé à savoir Un jubilé à la hauteur d’un peuple (1642-2017). En quoi la célébration et la commémoration de la fondation d’une ville peuvent revendiquer vouloir être à la hauteur d’un peuple?
D’abord à l’instar de la fondation de Québec (1608), la fondation de Montréal (1642) doit être considérée comme ayant été à la base de la naissance d’un peuple issu de la France, à l’époque monarchique et catholique, et qui après bien des turbulences et des insouciances a su malgré tout ne pas juste survivre mais surtout résister et tenter, parfois vainement, parfois vaillamment, de vivre en tant que peuple dans la langue de Molière, de Voltaire, de Vignault, de Tremblay, et j’en passe.
Que cela plaise ou non, il nous faut savoir qu’il fut un temps, où l’Amérique boréale pouvait revendiquer le nom d’Amérique française qui se déployait sur un très grand territoire. Mais les aléas de l’histoire, particulièrement la Conquête britannique de 1760 puis la force de développement des États-Unis ont fait en sorte qu’en Amérique, nous sommes numériquement 2% de parlants français. Mais 80% ou presque au Québec.
Mais encore pire sous l’Empire britannique de 1760 à nos jours, on nous a mis sciemment en minorité partout dans les autres provinces et territoires sauf au Québec (80% approx.). Hélas, les héritiers du rapport Durham sont toujours à l’oeuvre pour tenter, inexorablement, de nous mettre ici aussi en minorité car ils savent très bien que la loi du nombre fait fi de tout. Bien sûr, il n’en tient qu’à nous de passer de statut de minoritaire à un statut de majoritaire mais cela c’est une autre affaire.
Donc, célébrer et commémorer la fondation de Montréal ce n’est pas seulement se divertir, s’éclater et surtout se travestir en anglais pour inciter les touristes à venir à Montréal en 2017 mais c’est d’abord se souvenir que le groupe de fondateurs et de fondatrices, que ce soit de la première, de la deuxième ou même de la troisième recrue, chacun et chacune à leur manière, n’ont pas seulement été à l’origine de la fondation d’une ville que ce soit Québec ou Montréal et celles qui ont suivie mais que ces fondations ont été le socle sur lequel s’est développé un peuple particulier en Amérique. Les Français d’Amérique devenus par la force des choses les Québécois, Cela sans oublier, le peuple Acadien et les minorités franco-canadiennes.
Et puis, quand on dit cela, ça ne veut pas dire qu’on n’aime pas les « autres » et puis que l’on est grégaire et obtu. Vous allez voir au cours de l’été 2016 avec l’Euro (soccer) qui commence dans quelques jours (10 juin-10 juillet) et les Jeux de Rio (5 août -21 août) ce que c’est que le sentiment national. Quand l’Italie, l’Ukraine ou même la Turquie gagnera un match de foot, vous allez entendre selon le quartier que vous habitez la symphonie des klaxons pour dire comment on est heureux pour « notre » Italie, pour « notre » Ukraine, pour « notre » Turquie.
Et ce sentiment national se transmet de génération en génération sans savoir toujours comment l’expliquer. Allez vous asseoir à une terrasse de la Petite-Italie un jour de match de la Squadra Azzura (l’équipe italienne), vous n’y verrez pas que des vieux papi mais des jeunes adultes, des familles qui n’attendent qu’un but de l’Italie pour crier, s’époumonner et se réjouir du succès de leur équipe « nationale ».
Ouf! Tout ce grand détour pour expliquer nos attentes face aux célébrations et aux commémorations de la fondation de Montréal que nous voulons à la hauteur d’un peuple! D’un peuple comme les autres! Voire même d’un peuple mieux que les autres!
P. S. Ayant eu une mère italienne et un père québécois (canadien-français) pendant l’Euro mon coeur balance entre l’Italie et la France. Mais qu’importe, comme je demeure tout près de la Petite-Italie c’est là que je vais fêter! En attendant d’avoir une équipe québécoise même à l’intérieur de la confédération canadienne à l’instar des États constitutifs du Royaume-Uni comme l’Angleterre, l’Irlande du Nord et le Pays de Galles sans oublier l’Écosse qui, malheureusement, ne s’est pas qualifiée pour l’Euro 2016, trop épuisée par le référendum! Notre coup de coeur ira à l’Italie et à la France!
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LECTURES SUGGÉRÉES
Marcel Trudel et Marie Baboyant, L’Histoire du Montréal de François Dollier de Casson, Éditions Hurtubise HMH, Montréal, 1992.
Baboyant, Marie, Une mise à jour de l’histoire du Montréal de François Dollier de Casson (1672) dans Les Origines de Montréal, Actes du colloque organisé par la Société historique de Montréal, textes colligés par Jean-Rémi Brault, Leméac, 1992.
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L’article de Guillaume Lavoie, conseiller municipal du secteur Marie-Victorin.